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COP 16 sur la biodiversité : que peut-on retenir de cette conférence de l’ONU ?

CALI, Colombie, 2 novembre 2024 — La 16e réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (COP 16) a été suspendue dans la matinée du 2 novembre, mais pas avant que les pays ne se soient mis d’accord sur un rôle élargi des peuples autochtones et des communautés locales dans la sauvegarde de la biodiversité et sur un accord révolutionnaire sur l’opérationnalisation d’un nouveau mécanisme mondial de partage des avantages tirés de l’information génétique numérique.

Les bons résultats obtenus, fondés sur un esprit de compromis et de dialogue, démontrent que le multilatéralisme peut encore produire des résultats dans une période difficile. Après environ 12 heures de réunion en session plénière, vers 9 heures, la COP 16 a perdu le quorum et a été suspendue avant l’approbation de quelques derniers points.

Elle reprendra à une date et un lieu ultérieurs pour compléter l’ordre du jour. Les résultats de la COP 16 constituent des avancées importantes vers la réalisation des 23 objectifs pour 2030 énoncés dans le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (CMGBF), adopté lors de la précédente réunion des 196 Parties à la Convention à Montréal en 2022.

Alors que des milliards de personnes dépendent des contributions de la nature, que les menaces sur la biodiversité s’intensifient et que les ressources financières se raréfient, les enjeux de la COP 16 étaient élevés.

Parmi les réalisations notables après 12 jours de négociations :

Lancement du « Cali Fund » : partage des bénéfices issus des informations génétiques numériques

Après avoir convenu lors de la COP 15 d’établir un mécanisme multilatéral, comprenant un fonds mondial, pour partager de manière plus juste et plus équitable les bénéfices issus des utilisations des informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques (DSI), les délégués de la COP 16 ont fait progresser son opérationnalisation – une décision historique d’importance mondiale.

Cette décision complexe porte sur la manière dont les industries pharmaceutiques, biotechnologiques, de sélection animale et végétale et les autres industries bénéficiant de l’INS devraient partager ces avantages avec les pays en développement, les peuples autochtones et les communautés locales.

Selon les directives convenues, les grandes entreprises et autres entités majeures bénéficiant commercialement des utilisations de la DSI doivent contribuer au « Fonds Cali », en fonction d’un pourcentage de leurs bénéfices ou de leurs revenus. Le modèle cible les grandes entreprises qui dépendent le plus de la DSI et exempte les universités, les institutions de recherche publiques et les autres entités qui utilisent la DSI mais n’en bénéficient pas directement.

Les pays en développement bénéficieront d’une grande partie de ce fonds, avec des allocations pour soutenir la mise en œuvre du KMGBF, en fonction des priorités de ces gouvernements.

Au moins la moitié du financement devrait servir à répondre aux besoins identifiés par les peuples autochtones et les communautés locales, notamment les femmes et les jeunes au sein de ces communautés, par le biais du gouvernement ou de paiements directs par l’intermédiaire d’institutions identifiées par les peuples autochtones et les communautés locales. Certains fonds peuvent servir à soutenir le renforcement des capacités et le transfert de technologie.

Un suivi et des rapports rigoureux permettront aux industries de voir l’impact de leurs contributions de manière transparente et ouverte, et des examens réguliers renforceront l’efficience et l’efficience du mécanisme au fil du temps.

Cet accord constitue un précédent en matière de partage des bénéfices en matière de conservation de la biodiversité, avec un fonds destiné à reverser une partie des bénéfices de l’utilisation de la biodiversité pour protéger et restaurer la nature là où l’aide est la plus nécessaire.

Renforcer le rôle des peuples autochtones et des communautés locales dans les efforts de protection de la biodiversité

Lors de la COP 16, les Parties ont adopté un nouveau programme de travail sur l’article 8 j) et d’autres dispositions de la Convention relatives aux peuples autochtones et aux communautés locales. Ce programme transformateur définit des tâches spécifiques pour assurer la contribution significative des peuples autochtones et des communautés locales aux trois objectifs de la Convention (a) la conservation de la diversité biologique, b) l’utilisation durable de la diversité biologique et c) le partage juste et équitable des avantages), ainsi que la mise en œuvre du Cadre de gestion des connaissances et des connaissances (CMGBF). Grâce à ce programme, les droits, les contributions et les connaissances traditionnelles des peuples autochtones et des communautés locales sont davantage intégrés à l’agenda mondial.

Les Parties ont également convenu de créer un nouvel organe subsidiaire permanent sur l’article 8j et d’autres dispositions, dont le mode de fonctionnement sera élaboré au cours des deux prochaines années. Le nouvel organe subsidiaire devrait faire progresser les questions liées à la mise en œuvre de l’article 8j et renforcer l’engagement et la participation des peuples autochtones et des communautés locales dans tous les processus de la convention.

Une autre décision a été prise visant à reconnaître le rôle des personnes d’ascendance africaine, constituées de collectifs incarnant des modes de vie traditionnels, dans la mise en œuvre de la Convention et dans la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité.

Financer la biodiversité : une stratégie de mobilisation des ressources

Les parties à la COP 16 reprendront les discussions plus tard pour approuver une nouvelle « stratégie de mobilisation des ressources » visant à mobiliser 200 milliards de dollars par an d’ici 2030 de toutes les sources pour soutenir les initiatives en faveur de la biodiversité dans le monde, ce qui représente l’un des objectifs du KMGF. Un autre objectif est la réorientation d’ici 2030 de 500 milliards de dollars par an de subventions qui nuisent à la biodiversité.

Les Parties examineront également la possibilité de créer un nouvel instrument de financement mondial dédié à la biodiversité, chargé de recevoir, de débourser, de mobiliser et d’articuler les besoins de financement.

À ce jour, la Convention a pu compter sur des ressources mobilisées pour soutenir les objectifs et les cibles du GBF à travers divers accords bilatéraux, des sources privées et philanthropiques, ainsi que des fonds dédiés tels que :

Le Fonds-cadre mondial pour la biodiversité (GBFF), adopté lors de la COP 15 en 2022 et établi en moins d’un an par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), accepte les contributions des gouvernements, du secteur privé et des organisations philanthropiques et finance des projets à fort impact dans les régions en développement, en mettant l’accent sur le soutien aux pays aux écosystèmes fragiles, tels que les petits États insulaires et les économies en transition. À ce jour, 11 pays donateurs ainsi que le gouvernement du Québec ont promis près de 400 millions de dollars américains au Fonds GBF, dont 163 millions de dollars américains promis lors de la COP 16.

Le Fonds pour la biodiversité de Kunming (KBF), lancé lors de la COP 16 avec une contribution de 200 millions de dollars américains du gouvernement chinois, soutient l’accélération des actions visant à atteindre les objectifs du Programme 2030 et des ODD, ainsi que les objectifs 2050 du Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal, en particulier dans les pays en développement.

La COP 16 a également examiné une évaluation de l’efficacité du FEM, qui sert de mécanisme financier à la Convention. L’évaluation a noté que le FEM a fait des progrès significatifs dans son rôle de mobilisation des ressources et dans le soutien à la mise en œuvre d’activités qui atteignent les objectifs de la CDB. Les Parties ont recommandé des moyens d’améliorer la gouvernance du FEM et de collaborer efficacement avec les peuples autochtones et les communautés locales, les femmes et les jeunes. La Convention a également présenté un cadre de quatre ans axé sur les résultats des priorités en matière de biodiversité qui peut aider à améliorer le soutien du FEM aux Parties à la Convention pour son prochain cycle de reconstitution, le neuvième à ce jour. Le rapport du FEM à la COP 16 a noté qu’au cours des deux premières années de son cycle de financement actuel (FEM-8), le FEM a approuvé 2,42 milliards de dollars d’aide directe au KMGBF.

Mise en œuvre et suivi du KMGBF

Les délégués ont également fait le point sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du KMGBF depuis sa création en 2022. Quelque 119 pays, représentant la majorité des 196 Parties à la CDB, ont soumis des objectifs nationaux en matière de biodiversité – des mesures politiques et des actions pour aider à atteindre les 23 objectifs du KMGBF.

En outre, à ce jour, 44 pays ont soumis des stratégies nationales et des plans d’action pour la biodiversité, qui serviront de document d’orientation à la mise en œuvre de ces objectifs nationaux. La COP 16 a reconnu les progrès remarquables réalisés en deux ans et a souligné la nécessité d’accélérer les actions.

Biologie synthétique

La biologie synthétique a été l’un des principaux sujets abordés lors de la COP 16, qui a mis en avant ses avantages potentiels tout en tenant compte des risques. Pour remédier aux inégalités dans la participation des pays en développement au domaine de la biologie synthétique, la décision introduit un nouveau plan d’action thématique visant à répondre aux besoins des Parties, des peuples autochtones et des communautés locales en matière de renforcement des capacités, de transfert de technologie et de partage des connaissances. En aidant les pays à évaluer et à appliquer les technologies de biologie synthétique, la COP 16 vise à favoriser l’innovation tout en préservant la biodiversité.

Un groupe d’experts guidera l’identification des avantages potentiels de la biologie synthétique et examinera les impacts potentiels des développements technologiques récents – une occasion unique d’explorer la biologie synthétique en relation avec les trois objectifs fondamentaux de la CDB et dans la mise en œuvre du KMGBF.

Espèces exotiques envahissantes

La décision de la COP 16 sur les espèces exotiques envahissantes s’attaque à l’un des cinq principaux facteurs directs de perte de biodiversité, en soulignant la nécessité d’une coopération internationale, d’un renforcement des capacités et d’un soutien technique pour les pays en développement. Elle propose des lignes directrices pour la gestion des espèces exotiques envahissantes, abordant des questions telles que le commerce électronique, les méthodologies d’analyse multicritère et d’autres.

De nouvelles bases de données, des réglementations commerciales transfrontalières améliorées et une coordination renforcée avec les plateformes de commerce électronique visent à combler les lacunes dans la gestion des risques liés aux espèces envahissantes et à s’aligner sur les objectifs du KMGBF, où les approches intersectorielles et collaboratives sont essentielles à la protection de la biodiversité.

Zones marines d’importance écologique ou biologique (ZIEB)

La COP 16 a adopté un nouveau processus évolué pour identifier les zones marines d’importance écologique ou biologique (ZIEB). Dans le cadre de la CDB, les travaux sur les ZIEB, qui identifient les parties les plus critiques et les plus vulnérables de l’océan, ont débuté en 2010 et sont devenus un domaine central des travaux liés à l’ONEAN. Le développement continu du programme a été bloqué pendant plus de 8 ans en raison de préoccupations juridiques et politiques. La COP 16 a donné un nouveau souffle à ce processus, en convenant de nouveaux mécanismes pour identifier de nouvelles ZIEB et mettre à jour celles qui existent déjà, en veillant à ce que le catalogage des informations sur ces zones puisse soutenir la planification et la gestion avec les sciences et les connaissances les plus avancées disponibles.

Cela arrive à un moment où les ZIEB peuvent jouer un rôle important pour la protection de la biodiversité marine, avec des mesures importantes prises pour mettre en œuvre l’objectif 30×30 aires protégées et pour préparer la future mise en œuvre du nouvel accord sur la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales.

Gestion durable de la faune et conservation des plantes

La protection des espèces sauvages a été l’un des principaux sujets de discussion. La décision sur la gestion durable de la faune sauvage souligne la nécessité de surveiller, de renforcer les capacités et d’associer les peuples autochtones, les communautés locales et les femmes à la mise en œuvre de cette décision. À cette fin, la décision appelle à la coopération d’organismes internationaux comme la CITES et la FAO pour sa mise en œuvre. Le cadre encourage la recherche sur les liens entre l’utilisation de la faune sauvage, la perte de biodiversité et les maladies zoonotiques, un domaine vital pour un monde de plus en plus conscient des conséquences de la perte de biodiversité sur la santé publique.

En outre, la COP 16 a vu un engagement à aligner les efforts de conservation des plantes sur le cadre de surveillance du KMGBF. Cela comprend la mise à jour de la Stratégie mondiale pour la conservation des plantes avec des indicateurs spécifiques et un modèle de rapport standardisé, garantissant que les progrès en matière de protection des plantes sont mesurables et cohérents avec les objectifs mondiaux de biodiversité.

Biodiversité et santé

Lors de la COP 16, les Parties à la CDB ont approuvé un Plan d’action mondial sur la biodiversité et la santé, conçu pour contribuer à freiner l’émergence des maladies zoonotiques, prévenir les maladies non transmissibles et promouvoir des écosystèmes durables. La stratégie adopte une approche holistique « Une seule santé » qui reconnaît que la santé des écosystèmes, des animaux et des humains est interconnectée.

Reconnaissant que la perte de biodiversité et la mauvaise santé partagent souvent des facteurs communs, tels que la déforestation, la pollution et le changement climatique, le Plan souligne l’urgence de s’attaquer à ces menaces au profit des écosystèmes et des humains.

La stratégie souligne la nécessité d’éduquer les populations et de promouvoir la compréhension des liens entre biodiversité et santé, ainsi que la nécessité de renforcer les politiques qui favorisent les écosystèmes durables, soutiennent la médecine traditionnelle et réduisent la destruction des habitats. Une attention particulière est accordée aux populations vulnérables, notamment les peuples autochtones, qui dépendent de la biodiversité locale pour leur alimentation, leurs médicaments et leur identité culturelle, ainsi qu’aux jeunes, considérés comme des contributeurs essentiels aux initiatives de conservation et de santé.

Au cœur du plan se trouve un cadre collaboratif qui réunit des professionnels de la santé, des défenseurs de l’environnement et des décideurs politiques. La décision de la COP invite les pays à désigner des points focaux nationaux pour la biodiversité et la santé et à élaborer des politiques reflétant ces interconnexions, en intégrant les considérations biodiversité-santé dans les politiques couvrant un large éventail de secteurs, de l’agriculture à l’urbanisme.

Les Parties ont en outre appelé à une coopération étroite avec les organisations internationales, notamment l’Organisation mondiale de la santé, afin de développer des outils de suivi et des mesures permettant d’évaluer les progrès des initiatives en matière de biodiversité et de santé.

L’évaluation des risques

À Cali, les Parties au Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques ont accueilli favorablement de nouvelles orientations volontaires sur l’évaluation des risques posés par les organismes vivants modifiés (OVM) contenant des gènes génétiquement modifiés, une étape importante dans la gestion internationale de la biosécurité visant à renforcer la rigueur scientifique et la transparence des procédures d’évaluation des risques dans le Protocole.

Les dispositifs de forçage génétique ont la capacité de propager rapidement des modifications génétiques au sein des populations sauvages et la décision de renforcer les protocoles intervient dans un contexte de débats croissants sur le génie génétique, en particulier pour les applications dans le domaine de la lutte contre les ravageurs, la lutte contre les maladies et l’agriculture. Les nouvelles directives accordent la priorité à la transparence scientifique et à l’exactitude des évaluations des risques, une étape essentielle vers des normes de sécurité unifiées pour la gestion des OVM dans le monde entier.

Les nouveaux documents d’orientation rassemblent les meilleures ressources scientifiques et documents d’orientation disponibles pour l’évaluation des risques environnementaux, tout en mettant l’accent sur l’approche de précaution.

Le caractère volontaire de ces lignes directrices permet à chaque pays d’adapter ses évaluations aux contextes nationaux, en tenant compte des variables écologiques propres à son environnement. Cette flexibilité est essentielle dans les régions aux écosystèmes diversifiés et aidera les régulateurs à prendre des décisions éclairées, en tenant compte à la fois des avantages et des risques des OVM dotés de gènes de forçage.

« Au cours des dernières semaines, nous avons assisté à la plus grande mobilisation de la société en faveur de la biodiversité à Cali, suscitant l’intérêt du monde entier. Nous avons vu des peuples autochtones et des communautés locales, la société civile, des entreprises et des institutions financières, des gouvernements infranationaux, des villes et des autorités locales, des femmes et des jeunes présenter des initiatives et des actions remarquables.

Et à travers tout cela, cette COP a délivré un message fondamental : le temps est venu de faire la paix avec la nature.

« Depuis Cali, cette Conférence des Nations Unies sur la biodiversité a lancé un puissant appel à l’action. Il n’a jamais été aussi clair que la mise en œuvre synergique du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal et de l’Accord de Paris permettra de parvenir à la paix avec la nature. »

Astrid Schomaker, Secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique

« Nous sommes arrivés à Cali avec un programme de travail chargé et, grâce à la détermination des pays et à l’énergie de cette « COP des peuples », nous avons fait de bons progrès. La COP16 a permis de prendre des engagements importants sur les interconnexions entre la nature et le climat, la biodiversité et la santé et les zones marines d’importance écologique ou biologique (ZIEB). Le nouvel accord sur l’article 8J est une avancée cruciale et nous engage à intégrer les connaissances et le rôle des peuples autochtones et des gardiens locaux dans notre travail pour mettre en œuvre le Cadre mondial pour la biodiversité. Une autre grande victoire est le nouveau mécanisme et le nouveau fonds pour le partage juste et équitable des avantages issus du séquençage numérique des ressources génétiques, qui garantiront que ceux qui profitent de la biodiversité redonnent à la nature, aux pays et aux communautés. Bien sûr, nous aurions aimé obtenir davantage de résultats en matière de mobilisation des ressources et de progrès sur le cadre de suivi, mais nous ne ralentirons pas le rythme des travaux. 2030 approche à grands pas et l’action ne peut pas attendre. », a indiqué Inger Andersen, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement