Il n’est pas donné à tout le monde de se hisser longtemps au sommet. Alassane Ouattara a dégringolé, victime à son tour de la pression du clan et de la boulimie malsaine du pouvoir qui va avec.
Le président ivoirien ne sera donc pas un Mandela yoré[1]. Il sera ce qu’il a toujours été, au fond : un président africain comme un autre, calculateur, égocentrique, dépourvu de grandeur d’âme.
L’homme que nous applaudissions il y a peu pour sa performance macroéconomique et pour son discours plein de bon sens du 5 Mars dernier a baissé la culotte. Il a renié sa parole donnée, il a foulé au pied la Constitution de son pays. Il ne mérite plus rien : ni le respect des chroniqueurs ni l’admiration des foules. Il s’est placé de lui-même au niveau d’Alpha condé, d’IBK, d’Eyadema et des autres. Tant-pis pour notre soif d’admiration, tant-pis pour notre dignité de Nègres !
Il n’y a donc personne pour nous sortir de l’opprobre ! En voilà encore un qui vient ajouter au cafouillage, qui vient ouvrir plus large, la boîte de Pandore ! La pandémie du troisième mandat en plus de celle du Coronavirus : la vie ordinaire d’un continent abonné au malheur ! On voit d’ici Alpha Condé et ses lèche-bottes, faire la bamboula dans les alcôves de Sékoutouréyah, Macky Sall, affûter ses griffes ; IBK et Youssoufou, se demander si après tout, eux aussi…
Il va sans dire que le recul de Ouattara brise net notre élan démocratique issu des conférences nationales des années 90. C’est la normalisation à la Brejnev ! Que c’est déprimant, mon dieu, le retour au point de départ ! Les guides éclairés, les responsables suprêmes, les pères fondateurs reprennent du service. Les ogres que nous pensions avoir chassés par la porte, reviennent par la fenêtre, encore plus vassaux, encore plus fourbes, encore plus malfaisants. Et ce sont des tyrans octogénaires, cette fois-ci et c’est comme si tous ces vieux chnoques s’étaient passés le mot : « Les Africains, sont cons, ça ne coûte rien de les tricher. Trichons ! »
Après les putschs militaires, les putschs constitutionnels ! C’est du pareil au même pourvu que cette connasse d’Afrique s’enlise, pourvu qu’elle étouffe, pourvu qu’elle crève ! Comme d’habitude, les moralistes de tous bords protesteront pour la forme et ces ronds-de-cuir de la CEDEAO et de l’UA feront semblant de regarder ailleurs.
Le pire, c’est que ce ne sont plus Bokassa et Amin Dada, ces soudards de la Coloniale, qui sont à la manœuvre, ce sont des intellectuels issus des plus prestigieuses universités occidentales, de plain-pied dans le monde moderne ; à l’aise avec ses concepts politiques, économiques et juridiques sophistiqués. À se demander pourquoi nous perdons du temps et de l’argent à former des cadres ! N’importe quel paysan de Baranama, n’importe quel bouvier de Diountou aurait mieux fait que ces abrutis bardés de diplômes.
Dix ans après la guerre civile de 2010, Bédié, Ouattara et Gbagbo sont toujours là !
On prend les mêmes et on recommence. La Côte d’Ivoire, ce riche héritage que nous a légué Houphouët-Boigny, se prépare à sombrer de nouveau. La faute à qui ? À ses fils, rien qu’à ses fils !
Les opportunistes qui vous entourent vous ont poussé vers le mauvais choix, Monsieur Ouattara. Vous avez refusé de partir par la grande porte, sous nos applaudissements. Eh bien, vous partirez par la petite, sous nos jets de pierres et nos crachats.
Par Tierno Monénembo, in Le Lynx
[1] benjamin : en langue nationale soussou