Dans cette interview accordée à Afriquevision.info, le président des jeunes étudiants Guinéens du Rhône-Alpes (Lyon) s’est exprimé sur les difficultés auxquelles les étudiants de cette région du sud de la France sont confrontés. Bangaly Kourouma est revenu également sur la situation des étudiants vivants dans ce pays tout en tant interpellant l’État guinéen de créer un fond d’aide aux apprenants en cas de maladie ou de décès pour le rapatriement de corps.
Afriquevision.info: combien des étudiants Guinéens vivent aujourd’hui sur le territoire français particulièrement à Rhône-Alpes ?
Bangaly Kourouma : je ne pourrai pas vous donner exactement le nombre des étudiants qui se trouvent à Lyon par ce qu’il y a certains qui ne viennent pas par notre canal. Même ceux qui viennent par notre canal, il faut savoir que c’est un mouvement assez disparate. Il y a certains qui arrivent et qui changent de villes. Mais on a à peu près 200 à 250 qui sont membres actifs, c’est-à-dire à chaque événement on a de centaines qui se présentent. Et on a une liste aussi des membres actifs qui s’acquittent de leur cotisation annuelle, qui participent fréquemment aux activités et qui aident les étudiants qui arrivent de la Guinée pour les hébergements, des démarches administratives ou pédagogiques.
Comment êtes-vous organisés ?
Alors ce n’est pas différent des autres associations. On a un bureau qui est élu pour un mandat de deux ans renouvelable une seule fois. Le président vient avec son bureau. Quand le président est élu, il est élu également avec son bureau. On est en principe 8 dans le bureau, mais on a aussi des bénévoles actifs. Ce sont des membres qui peuvent participer aux réunions du bureau parfois et qui peuvent aussi être des simples bénévoles. Donc on s’organise de telle sorte qu’on aide les étudiants nouvellement arrivés de la Guinée, pour leur intégration, pour débuter les cours, on les aide pour trouver des hébergements, dans leur démarche administrative et pédagogique, pour ouvrir des comptes bancaires pour aller s’inscrire à l’université et pour avoir leur carte d’abonnement. Donc on s’organise en fonction du besoin de la personne. (…) Le bureau se renouvelle une seule fois. Mais pour des raisons parfois qui sont liées à l’organisation de l’élection, il y a eu des présidents qui ont eu à faire plus de deux mandats. Mais c’était lié du fait qu’il n’y a pas eu des candidats qui pouvaient tenir le bureau après le président. Donc on est peut pas laisser un bureau sans président. Je ne suis pas en train de dire que les autres n’ont pas fait grand-chose mais il faut mentionner que le précédent bureau a fait plus de deux mandats à la demande des membres de l’association qui voulait qu’il continue.
Est-ce que les étudiants Guinéens sont organisés dans toutes les grandes villes de France ?
Il y en a plein. Il y a une association dans chaque grande ville en France. Mais je vais dire avec beaucoup de modestie le travail que nous faisons à Lyon ici, je pense qu’il n’y en a pas ou peu d’autres associations estudiantines qui font la même chose en France. Parce que nous dès le début de la démarche campus France en Guinée on les aide pour avoir des attestations d’hébergement et quand ils ont le visa, ils sont en contact avec nous. Après on va à l’aéroport pour les accueillir, et on les héberge. Ça il faut mettre ça à l’actif des membres du bureau et de l’association. Et je peux vous dire vraiment avec beaucoup de modestie, sans se venter qu’il n’y en a pas une association qui fait autant que nous en Guinée qu’au niveau africain.
Vous venez de parler de cotisation, comment ça se passe ?
L’association a des règles. Notre association ne vit pas de ses cotisations. C’est à chaque fois qu’un étudiant adhère à l’association on lui demande de s’acquitter des frais d’adhésion de membres. Pour être membre de l’association on te demande de payer 5 euros symboliques et 10 euros annuels. Donc il y a des évènements qu’on organise ou on vient manger sans payer. On ne demande aucun sou à qui que ce soit. L’essentiel de notre association vient de la subvention de la ville de Lyon et d’autres associations notamment l’ambassade de Guinée en France. Mais on ne compte pas vraiment sur la cotisation de l’association.
Comment faites-vous pour identifier les étudiants que vous n’aviez pas de contact depuis la Guinée et qui viennent ici ?
Il y en a qui prennent nos contacts via la page Facebook de l’association, d’autres par mail ou les numéros de téléphone via les personnes proches qui sont à Lyon parce qu’on est assez connu au niveau de consulat de France. Ils savent qu’on est très dynamique. Donc dès que ces étudiants sont admis à Lyon, ils leur donnent nos contacts. Après on le demande de nous fournir des documents qui prouvent qu’ils sont Guinéens. Parce qu’être Guinéen, ce n’est pas par le nom ou parler la langue. Il faut nous prouver par papier c’est-à-dire le passeport ou une carte d’identité guinéenne.
Que faites-vous pour les étudiants qui ont des problèmes de papiers ?
On est une association qui aide les étudiants dans les démarches administratives et pédagogiques. On les accompagne pas mal de choses. Mais s’ils ont des difficultés administratives, ça c’est une autre question. Mais on a la chance d’avoir des étudiants qui sont en droit. S’il y a un étudiant qui se trouve dans un problème administratif on essaye de les mettre en contact avec des étudiants qui sont dans le domaine. Et ceci en tant qu’étudiant, ils ne peuvent pas forcément les aider, mais peuvent les donner des pistes de solutions. Il n’y a pas mal d’associations qui sont là pour vous aider dans ces genres de démarches. Mais on n’est pas là pour régler les problèmes administratifs. Ce n’est pas de notre ressort.
Est-ce que vous travaillez en étroite collaboration avec l’ambassade de Guinée en France dans le cadre de traitement des dossiers des étudiants ?
Oui ! Le dossier le plus prisé c’est le passeport. Donc on essaie de nous organiser par fois pour envois des dossiers à l’ambassade de façon groupé ou si les passeports sont prêts, on essaie de les prendre et les amener dans les régions. Ça évite aux gens qui n’ont pas le temps de faire un aller-retour sur Paris de les récupérer directement à Lyon. Et l’ambassade nous assiste de la subvention, pas mal des activités de notre association. Il y a un passé récent des objets d’art qui étaient à l’ambassade on avait prêté pour nos activités culturelles.
Quelles sont les difficultés auxquelles les étudiants sont confrontés ?
Ce n’est pas en tout cas de difficultés financières. Je profiterai de ce canal pour lancer un appel aux étudiants notamment qui viennent de la Guinée ou dans d’autres villes de la France s’ils ont besoin de documents où d’hébergement de nous contacter à temps. Parce que ce qu’ils nous mettent dans des difficultés. C’est à la rentrée qu’on retrouve pas mal d’étudiants qui viennent de la Guinée et qui attendent à la dernière minute. Je comprends aussi c’est par ignorance que certains attendent deux à trois jours pour dire » je viens à Lyon, j’ai pris mon billet et il me faut un hébergement ». Donc si vous vous retrouvez avec trois ou quatre étudiants en même temps qui n’ont pas d’hébergement que vous devez accueillir je pense que c’est un réel problème. Parce que vous ne pouvez pas les laisser dans la rue vous n’avez pas non plus des hébergements pour tous.
Est-ce que les étudiants nouvellement venus n’ont pas de problème d’intégration ?
Je n’appellerai pas ça un problème d’intégration. Il n’y a pas que des Guinéens qui viennent ici. C’est pratiquement le même problème que nous rencontrons avec des étudiants venus d’autres pays. Quand vous quittez un pays voire un continent, il y a toujours un problème d’adaptation. Quand vous arrivez tout nouveau vous êtes un peu déboussolé. Vous venez d’un pays pauvre c’est comme si vous venez dans un nouveau monde. Donc c’est normal que cela arrive. Les trois premiers mois c’est souvent de problème. Et ce n’est pas rare de voir des étudiants de 1ere année échoués. Ce n’est pas parce qu’ils sont nuls, c’est parce que le système éducatif est différent. On peut même redoubler à 9,99. Et quand on fait la comparaison entre étudiants Guinéens, ivoiriens, sénégalais on voit quand même une différence. Mais pour la persévérance on essaie de faire de notre mieux
Est-ce que vous collaborez avec l’association des Guinéens vivants à Rhône Alpes ?
Oui on les invite dans toutes nos activités et vice versa, elle nous invite aussi. Mais on ne joue pas le même rôle. Nous nous visons plutôt les étudiants et les salariés aussi, on organise des activités culturelles, des barbecues, de football alors que l’ASSIGRA ce sont les seniors en grande partie.
Est-ce qu’il y a des dispositions que vous avez prises pour accompagner ceux qui rencontrent des difficultés ?
On est en train de travailler. On a vécu une expérience douloureuse en début d’année. On a perdu un étudiant guinéen qui était là. On était vraiment face à un problème qu’on n’avait jamais rencontré par le passé. On a lancé une cagnotte. L’ensemble des membres de l’association et même ceux qui n’étaient pas membres ont contribué et ça nous a permis de rapatrier le corps dans le meilleur délai sans que les parents n’aient dépensé un seul sou. Je pense que c’est quelque chose qu’on doit mettre sur la table et réfléchir dessus pour voir dans les prochaines années comment est-ce qu’on peut mettre un fond en place pour des étudiants qui peuvent tomber gravement malade ou des cas de décès. Parce que personne n’est à l’abri de la mort. Ça peut arriver. Et quand ça arrive si on ne prend pas les mesures pour rapatrier le corps, c’est l’incinération. Et notre société ne connait pas ça. On ne peut pas accepter le corps d’un guinéen soit incinéré. On souhaiterait que le corps soit rapatrier et que la personne soit enterrée dans la plus grande dignité.
Est-ce que vous avez eu des étudiants qui ont échoué ici jusqu’à ce que la préfecture leur refuse de renouveler le titre séjour et jusqu’à ce qu’on leur demande de quitter le territoire français ?
Absolument oui. Toutes les années on enregistre ça. Après ce du cas par cas. Il y a en a qui échoue parce que tout simplement ils ont du travail à côté et oublié carrément leurs études. Et il y a en a qui échoue parce qu’ils sont tombés malades au moment des examens et parfois avant de faire les démarches administratives pour savoir s’il avait déposé un arrêt maladie vous pouvez redoubler à cause de ça. Et il y a d’autres aussi qui tombent dans les vices de l’alcool et d’autres problèmes et qui échouent. Mais l’un ou l’autre si vous ne validez pas la première année la préfecture vous tolère et on renouvelle votre titre de séjour. Mais en deuxième année on ne vous tolère plus. On vous donne déjà une note QTF (l’obligation de quitter le territoire français). Et là quand vous avez ça, de facto vous vous retrouvez sans papiers et vous perdez tous vos droits. Vous ne pouvez plus avoir un logement, ni aller se soigner sauf vous payez. Le seul droit que vous avez c’est de quitter le territoire français. Et quand c’est comme ça, il faudra appeler des associations pour essayer de voir le cas. Si vous échouez pour cause de maladie ou une cause acceptable tant mieux parce qu’on vous demande des pièces justificatives. Mais si ça trouve que vous ne pouvez pas montrer les pièces justificatives au niveau de l’Université vous serez dans la merde.
Quel regard portez-vous sur le secteur éducatif en Guinée ?
Ce n’est pas un secret pour les Guinéens que notre éducation a beaucoup régressé en ce sens que le niveau d’étude de l’étudiant guinéen il y a10 ans n’est pas celui qu’on connait aujourd’hui. Mais il faut quand même dire que la plupart des étudiants qui quittent la Guinée pour poursuivre ses études en France, en Belgique ou d’autres pays ils ont quand même le niveau. Au campus France vous passez des entretiens et prouver que vous avez quelques choses en tête pour pouvoir venir ici. Cela veut dire si on vous donne le visa ce que vous méritez après si vous venez ici et que vous ne prenez pas les études au sérieux ça c’est autre chose. Mais force est de constater que notre éducation en Guinée ça beaucoup régressé et c’est quelque chose de déplorable. Je suis triste de voir le niveau des élèves actuellement.
Votre mot de la fin ?
L’appel que je lance c’est un appel de cohésion entre tous les Guinéens vivants en France et nous les étudiants notamment ceux qui vivent dans le Rhône-Alpes d’être solidaire. Ceux qui peuvent aider n’ont cas le faire. En tout cas on est là africain avant tout. On vient dans une société où on aide. Et l’autre appelle que je lance c’est pour les étudiants qui viennent de la Guinée. Essayez de prendre contact avec nous dans les délais raisonnables. N’attendez plus jusqu’à la dernière minute pour nous contacter parce que nous ne pouvons pas vous laisser tomber de toute façon. Même si vous nous contactez une heure avant, on est obligé de faire face. Mais si vous nous contactez à temps on a vraiment le temps de faire face à votre demande et de la traitée de façon sereine.