La Guinée est une nouvelle fois à la croisée des chemins : la voie de la stabilité et de respect des normes constitutionnelles d’un côté et de l’autre l’attirance vers des aventures risquées et périlleuses pour la tranquillité collective et la cohésion nationale. Ainsi depuis l’indépendance, notre pays n’a pas connu de guerre, mais nous ne pouvons pas dire non plus que pendant tout ce temps nous avons vécu dans la paix. Notre pays a jusqu’à présent oscillé vers la descente aux enfers mais « la baraka » de la providence nous a toujours sauvés. En sera-t-il encore de même ?
La question de la constitution réveille les attitudes permanentes de tous les régimes politiques qui se sont succédés au pouvoir depuis 1958 à savoir se pérenniser quelque soient les moyens légaux et illégaux possibles. Ainsi les crises politiques qui ont généré des tragédies multiples ont pour cause le refus d’une véritable alternance démocratique. A la mort du Président Sékou Touré, les déclarations des militaires du CMRN ont mis en avant la nécessité de limiter le nombre de mandat présidentiel, d’une durée de 5 années une seule fois renouvelable. Dès le milieu du second et dernier mandat constitutionnel du Général Lansana Conté, les sirènes révisionnistes entamèrent leurs chansons habituelles « il faut que le Président ait du temps pour terminer ses chantiers », « il faut une présidence à vie pour celui qui est devenu indispensable pour la Guinée » d’où « le koudeïsme ou Koudeï c’est-à-dire à jamais avec le Général Conté au pouvoir ». Pour que cette stratégie puisse prospérer, il a fallu affaiblir les deux icônes de l’opposition démocratique de l’époque. D’abord faire emprisonner le Doyen BA Mamadou de l’UNR en marge de la destruction du quartier de Kaporail en mars 1998 ensuite incarcérer M. Alpha Condé de décembre 1998 au 18 mai 2001. Les répressions politiques à l’intérieur et l’exploitation des menaces d’incursions de forces rebelles le long des régions frontalières de la Sierra-Léone et du Libéria en proie à des guerres civiles meurtrières contribuèrent fortement à entamer les capacités de réaction des forces de l’opposition politique. En novembre 2001, malgré une abstention massive, le oui à une nouvelle constitution est déclaré vainqueur à plus de 96% d’un corps électoral qui « s’est massivement mobilisé » !
La suite est connue, une décennie de mal-gouvernance, de troubles sociaux et de tragédies sanglantes. Le refus de l’indispensable alternance démocratique dès 2003 a rejeté la Guinée loin derrière le peloton des Etats africains qui enregistrent des progrès économiques et sociaux. C’est dans ce contexte que le Président Alpha Condé est élu en 2010.
Le RPG qui fut le parti qui a le plus souffert par le nombre de ses militants qui succombèrent aux répressions de l’époque et le Président Alpha Condé qui a enduré dans sa chair et dans son esprit les dures calvaires de la captivité au nom de la quête de la démocratie et de l’alternance se détourneront ils de leur combat antérieur ? Au pouvoir, le RPG et le Président Alpha Condé seront-ils fidèles à leur histoire et à la mémoire des leurs qui sont tombés pour la cause de la démocratie ?
Cette réponse revient au Président de la République, qui malgré les clameurs et le brouhaha ambiants doit en toute circonstance privilégier l’intérêt national pour conforter la démocratie et se détourner des velléités de changer la constitution. En agissant ainsi, il répondra au profond désir d’une majorité de guinéens qui aspirent à la paix et à la transformation de la société guinéenne dans la stabilité et la cohésion.
BAH OURY
Président de l’UDD