Plus l’échéance de la COP29, les 11 et 12 novembre prochains à Bakou, se rapproche, plus l’autocrate au pouvoir, le président d’Azerbaïdjan Ilham Aliev, durcit le ton et ses actions, et pas dans le sens d’un plus grand respect de l’environnement. Dans cette tribune, Ara Toranian, directeur de « Nouvelles d’Arménie Magazine », appelle, sinon à boycotter cet évènement, à en faire du moins une caisse de résonance à la dénonciation des crimes d’un régime aussi riche en pétrole et en gaz que pauvre en démocratie.
Étrangement, plus l’échéance de la COP29 à Bakou se rapproche, plus l’autocrate au pouvoir durcit le ton. À l’intérieur du pays, la répression ne cesse de s’intensifier contre les dissidents, comme en attestent les rapports des ONG Human Rights Watch et Freedom Now qui ont dénoncé, le 8 octobre, les efforts du gouvernement pour « décimer la société civile ». L’union pour la liberté des prisonniers politiques d’Azerbaïdjan a révélé simultanément les identités de 288 responsables de l’opposition, de militants des droits de l’homme et de journalistes incarcérés.
La vindicte criminelle du pouvoir ne s’arrête pas là. Elle le conduit même à poursuivre jusque dans l’exil les bénéficiaires de l’asile politique, comme le blogueur et opposant Vidadi Isgandarli, assassiné à Mulhouse le 29 septembre dernier, dont le nom s’ajoute à la liste des contestataires traqués à l’étranger. Dans un silence politico-médiatique navrant.
Régime autoritaire
Toujours dans la même logique de surenchère, le satrape ne cesse de durcir sa position à l’égard de l’Arménie. Après le nettoyage ethnique du Haut-Karabakh en septembre 2023, Aliev continue de s’en prendre à l’intégrité de l’Arménie : occupation de 200 km2 de son territoire et ingérence dans sa politique intérieure avec l’exigence d’un changement de la constitution du pays. Ce qui représente un défi à sa souveraineté comme à sa démocratie. Nonobstant sa dernière demande en date : la poursuite en justice de ses héros nationaux arméniens. Objectif : briser moralement la population avant de procéder à sa destruction physique.
Tout aussi odieux sont le maintien en détention de 23 prisonniers politiques arméniens, et les tortures qui leur sont infligées. Parmi eux figurent les trois derniers présidents de la République du Haut-Karabakh, deux de ses anciens ministres et le philanthrope humanitaire Ruben Vardanyan, qui avait rejoint l’enclave autodéterminée pour y exercer les fonctions de Premier ministre, un an après la guerre de l’automne 2020.
On aurait pu penser que la tenue de la COP29, qui va braquer les 11 et 12 novembre les projecteurs de l’actualité sur ce pays, l’aurait conduit à montrer patte blanche. C’est le contraire qui se produit. Sur tous les fronts.
Boycotter ou dénoncer
Cette radicalisation pose clairement la question de la pertinence de l’organisation de cet événement à Bakou. Quel sens y a-t-il à discuter des problèmes du climat dans un contexte politique à ce point putride ? Comment évoquer l’avenir de la planète, en fermant les yeux sur l’environnement immédiat de cette tribune « écoresponsable » érigée à quelques kilomètres à peine de prisons où l’on tue et où l’on torture les opposants ?
Faire fi de ces réalités serait non seulement se déshonorer, eu égard à toutes les victimes de cet État barbare, mais aussi piétiner l’essence même de l’écologie politique, symbolisée par son slogan fondateur : « penser globalement, agir localement ». Ce qui devrait se traduire au mieux par un boycott argumenté de cette manifestation, ou au minimum une dénonciation sur place, sous une forme ou une autre, des turpitudes du régime d’Ilham Aliev, sur le plan de la démocratie, comme sur ceux du racisme et de l’expansionnisme.
À défaut de représenter le facteur d’apaisement espéré dans ces différents domaines qu’au moins la tenue de la COP29 à Bakou se transforme en une caisse de résonance sur les crimes de ce régime et les menaces qu’il fait peser, avec son allié et sponsor Recep Tayyip Erdogan, sur son peuple et sur la paix. Et qu’elle réveille les consciences quant à la nature des autorités azerbaïdjanaises, dont on attend toujours qu’elles soient sanctionnées, comme l’avaient demandé deux résolutions votées à l’unanimité il y a moins d’un an par l’Assemblée nationale et le Sénat français.
Par Marianne