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Abdoul Gadiry, une tragédie guinéenne

Il s’appelait Thierno Abdoul Gadiry Diallo. Pour ceux qui ne le connaissaient pas, il fut le dernier président de l’OGDH (l’Organisation Guinéenne des Droits de l’Homme). Il est mort mardi dernier, 27 octobre 2020 d’une méchante crise cardiaque.

Et comme nous sommes en Guinée, ce pays mal aimé des dieux où la tragédie a l’art de redoubler de férocité (pour parler comme le célèbre écrivain algérien, Kateb Yacine), son jeune frère, venu de Boké pour l’enterrer a succombé à son tour de la même catastrophe, le mercredi 28, soit exactement 24H après son aîné. Il est rare d’enterrer deux frères utérins au même instant. C’est pourtant ce qui est arrivé au cimetière de Kameroun le mercredi 28 octobre sous l’œil atterré d’une foule de Guinéens qui ne sait décidément plus à quel saint se vouer.

Abdoul Gadiry appartenait à cette jeunesse de notre pays talentueuse, ambitieuse et passionnée qui aurait aisément cueilli la lune sans les dirigeants cruels et stupides que le mauvais sort a imposés à son pays. Mathématicien de formation, il a longtemps enseigné cette discipline avant de s’engager dans la belle aventure de la fondation du Lynx. Il fut d’ailleurs le tout premier rédacteur en chef de notre journal satirique. Comme quoi, notre illustre disparu savait manier aussi bien les chiffres que les mots. Tout en continuant son métier de professeur, il deviendra ensuite Conseiller principal dans le même organe de presse. Cela ne lui suffira pas. Cet homme aux talents multiples remplacera ensuite Thierno Maadjou Sow à la tête de l’OGDH. C’est à ce poste que l’Union Africaine le remarquera puis le choisira pour représenter sa Commission des Droits de l’Homme au Burundi.

C’est au début des années 2000 que j’ai connu ce garçon sympathique, doté d’excellentes qualités intellectuelles humaines. Ouvert de cœur et d’esprit, agréable à vivre, il savait s’entourer d’amis d’horizons divers aussi intéressants et fraternels, les uns que les autres. Outre le français et l’anglais, il parlait couramment la plupart des langues guinéennes. Après une longue éclipse, il est réapparu il y a quelques mois aussi jovial que lorsqu’il m’avait quitté. Nous avons, naturellement passé de longs moments ensemble les dernières semaines de sa courte existence. Nous avons, en particulier, assisté tous les deux à la rencontre tenue à l’Hôtel Kaloum entre le FNDC et la délégation tripartite CEDEAO, UA, ONU. En sortant de là, il m’avait entraîné à l’Hôtel Millénium pour me présenter à deux éminentes personnalités, Alioune Tine, président du Raddho (Réseau Africain des Droits de l’Homme) et Mathias Hounkpé de l’OSIWA. Ce fut notre dernière rencontre. Ce lundi après-midi-là, c’est Alioune Tine justement qui m’a appelé de Dakar pour m’annoncer l’horrible nouvelle.

Je vis cette cruelle disparition comme une métaphore du tragique destin de mon pays. Elle arrive en effet, à un moment où ayant compris qu’il a piteusement perdu les élections présidentielles, Alpha Condé réquisitionne l’armée pour mitrailler le pays. Parmi les dizaines de victimes, une fillette de 4 ans. Une armée qui abat une fillette de 4 ans est forcément respectable. Nous avons le privilège de posséder la plus belle armée du monde. Revisitons ensemble ses hauts faits : le Camp Boiro, les massacres de 2007, les viols et les crimes du Stade du 28 Septembre, les centaines de victimes depuis qu’Alpha Condé a usurpé le pouvoir ! Nos militaires méritent tous le glorieux titre de maréchal.

Ne rigolons pas Guinéens : rien de plus héroïque qu’une armée qui assassine son peuple !

 

Tierno Monénembo, in Le Lynx

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