Face au rapport corrosif de l’ONG AMNESTY INTERNATIONAL, intitulé « Guinée. Les voyants au rouge pour les droits humains à l’approche de l’élection présidentielle », le ministre de l’Unité et de la Citoyenneté Mamadou Taran Diallo n’a pas trouvé d’autre parade que de mettre en doute ce travail d’orfèvre. Comme pour dédouaner son gouvernement, il oppose à ce rapport, des soi-disant enquêtes plus fouillées, qui n’auront malheureusement jamais lieu sous le magistère actuel.
Le rapport d’Amnesty International est plein de récriminations à l’encontre des autorités guinéennes. Il pointe du doigt les forces de sécurité qui auraient tué au moins 70 manifestants et passants depuis janvier 2015. Se basant sur des « témoignages du personnel médical et de témoins ainsi que le type de munitions utilisées, l’organisation révèle qu’au moins 59 des victimes semblent avoir été tuées par la police et la gendarmerie. Parmi les victimes, un enfant de sept ans qui, selon des sources médicales, a été touché par une balle perdue en octobre 2015. »
Ce qui est en soit hallucinant pour un état qui se veut démocratique
Dans ce même rapport, l’ONG n’occulte pas « l’homicide d’Amadou Boukariou Baldé, un étudiant battu à mort par des gendarmes déployés pour disperser une manifestation à l’Université de Labé, dans le centre de la Guinée, le 31 mai 2019. »
Preuve qu’elle suit de près la situation des droits de l’homme dans notre pays.
Dans cet univers kafkaïen décrit dans ce rapport, les journalistes ne sont pas épargnés du tout
Outre ces tueries, la menace qui plane sur les défenseurs des droits humains, et les journalistes se fait récurrente.
A ce jour, ce sont au « moins 60 membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), un groupe pro-démocratie ont été arrêtés depuis le 12 octobre 2019 », souligne le rapport.
Sur la galère des journalistes devenus des cibles potentiels en Guinée, l’ONG cite des cas d’agressions par des membres des forces de sécurité, et la suspension de certains médias.
Les déboires de nos confrères Aboubacar Algassimou Diallo, présentateur radio à Lynx FM, et Souleymane Diallo, administrateur général, convoqués par la police les 19 et 20 août derniers, après avoir diffusé l’interview d’une femme qui accusait le ministre de la Défense de détournement des fonds destinés aux Casques bleus guinéens, ont été mentionnés dans ce rapport critique.
Amnesty International recommande aux « autorités guinéennes de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour apaiser les tensions, protéger les droits humains et sauver des vies avant, pendant et après les prochaines élections. Et de mettre fin au règne de la peur et de la répression en modifiant la législation relative à l’usage de la force lors de rassemblements publics et en retirant les forces armées militaires des zones de manifestation. »
Ces enquêtes du gouvernement guinéen c’est l’arlésienne…
Le ministre guinéen de l’Unité et de la citoyenneté a mis en doute les conclusions du rapport d’Amnesty International, à travers les antennes de RFI, ce jeudi.
Dans ces propos décryptés par le site mosaiqueguinee.com, le ministre botte en touche et promet des enquêtes plus approfondies qui permettraient d’identifier les véritables auteurs des tueries.
Dans cette fuite en avant, propre à ceux qui nous gouvernent, Taran lance : « je ne confirme pas les chiffres, on a demandé les sources d’informations et la fiabilité. Maintenant, quand on dit les forces de l’ordre, ça, ce sont les forces de l’ordre. Mais lorsqu’il va falloir, si vous voulez, situer les responsabilités individuelles, il faut conduire des enquêtes minutieuses pour trouver les auteurs. Alors c’est ça qui est compliqué, qui prend du temps mais qu’il faut absolument mener à terme. On est ouvert à avoir toute source d’informations fiables qui peut conduire à ce que les enquêtes et les investigations soient concluantes pour retrouver et sanctionner les auteurs. Donc ce que le gouvernement entreprend et il va renforcer, c’est l’encadrement des manifestations pour qu’il n’y est plus jamais ces cas ».
En plus selon lui ; « le gouvernement relance, le processus du dialogue politique, où l’ensemble de la classe politique guinéenne est invité pour faire toujours privilégier le dialogue et la concertation.»
Tout ça ressemble bien à des paroles en l’air, quand on sait que le gouvernement au lieu d’encadrer les manifestations, continue dans sa logique de les restreindre. Surtout quand il s’agit des opposants au projet de changement constitutionnel.
Quant à ces enquêtes sur les graves violations des droits humains, notamment des tueries dont sont la cible des opposants, c’est tout simplement une arlésienne. Jamais une enquête n’aboutira, tant que l’exécutif continue dans cette posture négationniste.
Mamadou Dian Baldé Journaliste