La République de Guinée regorge d’immenses potentialités aurifères déjà exploitées depuis plusieurs décennies. Cette activité génératrice de revenus est pratiquée de plusieurs façons ; l’exploitation artisanale, industrielle et semi-industrielle. Elle est essentiellement exercée en Haute Guinée. L’activité est menée spécifiquement dans les préfectures de Dinguiraye, Siguiri, Kouroussa, Mandiana et Kankan.
L’exploitation de l’or dans le pays engrange une vingtaine de tonnes d’or par an selon la BCRG. L’évolution de l’exploitation artisanale de l’or par rapport aux sociétés industrielles est le fruit de plusieurs réformes enclenchées depuis 2011 par l’Etat guinéen. Ce processus est passé de la mécanisation à la semi-mécanisation. Une phase ardue, mais qui a favorisé un répertoire des exploitants avec leurs sites. Cette redynamisation du secteur, a permis à l’exploitation artisanale de l’or d’enregistrer une hausse de production dépassant celle industrielle. Selon le rapport ITIE 2016, le taux de production artisanale de l’or s’élève à plus de 19 tonnes et dépasse pour la première fois la production enregistrée de l’exploitation industrielle, qui s’élève à 15 et 17 tonnes, produites par deux grandes sociétés qui opèrent dans la même zone, à savoir la Société Minière de Dinguiraye (SMD)et la Société Anglo Gold Ashanti de Guinée (SAG). En 2015, l’exportation de l’or a atteint un total de 17 tonnes avec une participation de 14% du secteur artisanal.
Qui sont dans l’exploitation artisanale de l’or ?
Selon un rapport produit par deux ONG Estelle Levin Limited et CECIDE-Guinée en 2016, la population d’orpailleurs en Guinée est estimée à environ 221.923 personnes dans le pays, dont 170.366 (77%) des mineurs, 47.500 (21%) des prestataires de services, 2.976 (1,3%) des balanciers, 940 (0,4%) des fondeurs et 141 (0,06%) des collecteurs. Le même document démontre que la Guinée est le 7ème pays producteur de l’or en Afrique. Prenant la moyenne nationale de 6,3 personnes par ménage, cela signifie environ 1,4 million de personnes sont soutenues par le secteur sur 12 millions de la population guinéenne. Depuis 2011, plusieurs réformes ont été entamées par les autorités guinéennes.
Les réformes de l’Etat dans la production artisanale de l’or
Dans le domaine juridique, les articles 51 jusqu’à 58 du code minier guinéen de 2011, amendé en 2013, portent sur la règlementation de l’exploitation artisanale de l’or et autres mesures élaborées par le ministère des mines et de la géologie.
Sur le plan fiscal, le 12 février 2016, le ministère du budget a dans un arrêté N°0119 procédé à la suspension temporaire du régime de taxation des exportations des comptoirs d’achat d’or, ainsi qu’à la suppression des commissions et autres frais de laboratoire prélevés par la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG). Selon les autorités, cette mesure a permis à la BCRG d’engranger 300 millions de dollars USD. Cette réforme a favorisé la venue massive des exploitants Maliens et autres nationalités sur le territoire guinéen.
Sur la question environnementale, la redynamisation du secteur a entrainé une réduction des conflits dans les zones d’orpaillage, mais aussi la destruction de la faune et la flore.
La progression résulte de la mécanisation à petite échelle et de l’exonération de la taxe sur la production artisanale de l’or. En 2016, pour la première fois, le volume de l’exportation provenant de l’artisanale a dépassé celle industrielle.
Selon un cadre de l’administration minière, la rentabilité de l’exploitation artisanale est due à une certaine réglementation faite par l’État à travers leur service. « Il y a eu d’abord l’élaboration des textes d’application des articles dans le code minier qui prennent en compte l’exploitation artisanale, notamment l’article 54 jusqu’à 59 » dit-il, avant de préciser que « dans ces textes, il est défini la parcellisation des zones d’exploitation, appelée couloirs d’orpailleurs. Désormais, un exploitant n’a droit qu’à deux parcelles (deux hectares) soit 50 mètres sur 100, renouvelable chaque année et qui coûte six millions de francs guinéens».
Une autre réforme, c’est le prélèvement d’un montant de 5.000.000 GNF aux orpailleurs pour faire la restauration des sites exploités.
D’autres facteurs endogènes de la hausse de la production artisanale de l’or
Selon un consultant du secteur, l’exploitation artisanale de l’or qui date de plusieurs années : a connu une mutation ces derniers temps. « L’utilisation des machines détectrices de l’or, a favorisé l’amélioration du niveau de travail ». Pour lui, la venue de certains citoyens de la sous-région (Burkinabés), avec de nouvelles méthodes d’extractions, a contribué à l’augmentation du volume de la production.
Une autre source qui travaille avec les exploitants à Siguiri, indique que « l’une des causes de la hausse de la production artisanale de l’or est le fait que certains exportateurs maliens passent en Guinée en complicité avec d’autres comptoirs, collecteurs et balanciers, pour la commercialisation de leurs produits. Cette situation résulte de la suppression de la taxe à l’exportation en Guinée. Alors qu’au Mali, ce régime fiscal est toujours appliqué, il varie entre 3 à 5% », démontre notre source.
Sur le terrain le bureau des orpailleurs à Siguiri défend les exploitants sur toute la chaine, notamment de la sécurité à la production, le transport, jusqu’à la commercialisation.
Ce bureau veille également au respect du prix normal de l’or. Et lutte aussi contre le blanchissement d’argent. ‘’Tout contrevenant appréhendé en train de falsifier les lingots d’or des carats, ou revendre sans respecter les étapes est soumis à une amende. Ces amendes permettent à leur structure de fonctionner en plus des cotisations, affirme Sory Doumbouya membre.
Les défis du secteur
Malgré ces réformes, de nombreux défis restent encore à relever. Dans le domaine de l’environnement, l’activité a dégradé le couvert végétal, créant un déficit au niveau des terres cultivables. L’enjeu majeur est la restauration des sites exploités. Pour autant, l’exploitation clandestine de l’or sévit toujours en Guinée.
Dans la ville aurifère de Siguiri, les orpailleurs font souvent l’objet d’attaques de la mine aux points de vente. Au-delà de ce facteur, la fixation du prix du gramme et de lingots est parfois fantaisiste, fustige notre interlocuteur.
Le non-respect des étapes de la vente par les acteurs assaillent également le secteur. « Il y a des balanciers qui revendent directement aux comptoirs, parfois l’exportateur vient sur le terrain pour se procurer de l’or».
Cependant, les orpailleurs déplorent la vente des parcelles ou couloir des orpailleurs à 6 500.000 GNF, dont cinq cent mille pour les frais administratifs, alors que ces espaces ne sont pas minéralisés. Cette situation appauvrie généralement. « Nous avons perdu assez d’argent dans ces couloirs non minéralisés dans certaines zones. Dans les villages de Alayinaeh et Kolenda, il y a eu plus de 400.000.000 GNF qui ont été investis, sans pour autant obtenir un rendement fiable », fustige Sory Doumbouya, membre du bureau des orpailleurs à Siguiri.
Un consultant évoluant dans l’exploitation artisanale de l’or dans la zone, nous a rapporté que plus de deux cent (200) kilogrammes d’or font l’objet de transaction par semaine à Siguiri via des circuits parallèles et s’échappent à la BCRG.
Malgré la semi mécanisation, il faut reconnaitre que l’activité reste toujours rudimentaire. Un phénomène qui se matérialise par le manque d’équipements et d’expertise des orpailleurs pour améliorer davantage leur activité.
Les sites qui sont riche en minerais sont occupés par des sociétés industrielles. Alors que celles-ci mettent des années à exploiter une zone.
Les exploitants rencontrés comme Ousmane Kandé et Konaté précisent qu’il est primordial pour les autorités, d’anticiper une étude de géophysique locale, c’est-à-dire creuser des puits dans chaque parcelle, histoire de connaitre les zones minéralisées avant de les revendre. Cette étape pourrait également réduire la destruction de l’environnement.
Selon une analyse quantitative de 2016 produite par deux ONG à savoir Estelle Ltd et CECIDE, la production totale d’or artisanal en Guinée par an était estimée à 21 tonnes. Le même rapport de ces organisations suscitées stipule que, les statistiques officielles de 12,552 tonnes ne représentent donc que 60% de la quantité totale d’or produite de manière artisanale en Guinée, et par conséquent, 40% de la production d’or en Guinée passe par l’économie informelle. Compte tenu du taux de croissance de près de 20% par an pour le secteur, c’est ainsi une énorme quantité d’or qui sort du pays sans bénéficier à l’économie officielle guinéenne.
Le circuit de la commercialisation de l’Or
D’après Elhadj Kamissoko, collecteur, responsable aussi d’une fonderie et des balanciers à Siguiri, le travail se fait de deux manières à savoir, « l’achat de l’or sur le terrain avec les mineurs, puis la fonderie avant de revendre aux comptoirs à Conakry ».
Selon lui, l’or qu’il achète ne provient pas seulement de la Guinée. Et la quantité de production ne peut être déterminée par les comptoirs, ceci étant les derniers receveurs. Mais la rentabilité dépend de la période. Le paradoxe est que certains comptoirs basés à Conakry, ont des représentants sur les sites d’exploitations, ce qui est contraire aux principes.
‘’Ils peuvent quitter Conakry venir directement faire la transaction avec les mineurs sur les sites, tout en leur proposant un prix, différent des autres. Par exemple si le gramme coûte 310 000FG sur le marché, eux ils augmentent 5000 GNF pour avoir le produit avec l’exploitant’’, déplore-t-il.
Il confirme tout de même que la Guinée reste le grand producteur de l’or en Afrique de l’ouest.
Pour Ousmane Diané, orpailleur à Kintinian, l’exploitation artisanale de l’or est une activité qui enregistre une croissance dans les zones aurifères. «Dans ce milieu chacun cherche son intérêt. Après la production de l’or, on revend à un comptoir, un collecteur ou balancier, bref le plus offrant en termes de prix », le respect de la chaine nous intéresse peut, conclut ce mineur.
Comment les comptoirs se livrent à la fraude ?
Malgré la suppression des taxes à l’exportation, il y a peu de comptoirs qui passent par la BCRG pour l’exportation de leurs produits aurifères. Selon une source bien informée, ceux-qui suivent la procédure normale certains aussi ne rapatrient pas les devises à la Banque centrale une fois la transaction à l’extérieur.
L’institution bancaire perd non seulement les taxes, mais aussi les devises. Des commerçants passent par des comptoirs de l’or pour faire leurs transactions. « Après la vente à l’extérieur, ils sont souvent contactés par ces commerçants pour l’achat des marchandises dans le pays où se trouve l’exportateur », nous a confié la source proche du dossier.
Au retour de l’exportateur, le commerçant lui restitue l’équivalent des devises en GNF. ‘’Parce qu’en rapatriant cette monnaie étrangère à la BCRG, celle-ci va prélever une taxe à l’importation à 0,55% du montant. Pour lui, si cette pratique continue, vaut mieux pour la BCRG de ramener la taxe à l’exportation de l’or’’, conclut notre interlocuteur.
Les réactions croisées de la BCRG et du BNE
Selon, le directeur général des matières précieuses à la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG), Yaya Camara, à force de nous livrer les données de production de l’or, nous a juste rappelé que son institution ne travaille que dans la volonté des acteurs à s’inscrire dans un cadre formel. « Notre rôle se limite à l’achat et la commercialisation de l’or et à accompagner les acteurs dans l’exportation », a-t-il indiqué.
Dans la même logique, il a nié des allégations faisant état de la facturation lié aux prestations au sein de l’organe régulateur de la monnaie. « Je précise que tout exportateur de l’or qui ne respecte pas le délai de rapatriement de ses devises sera privé du renouvellement de sa licence », a martelé le spécialiste.
Il reconnait tout de même la fraude qui persiste encore dans le secteur, malgré la suppression des taxes. Mais il indique que « la résolution relative à la transaction de l’or par les pays voisins relève de la brigade anti-fraude des matières précieuses et de la douane des frontières ».
Avant la suppression de toute taxe, la BCRG a déploré l’évasion de quantités importantes d’or qu’elle estime à plus de 50% de la production artisanale, vers les pays limitrophes nous a confié un cadre de l’institution.
Même sons de cloche au bureau national d’expertise (BNE)
A défaut également de nous livrer les statistiques de la production de l’or, ce service public, qui relève du ministère des mines et de la géologie, s’est contenté de dévoiler spécifiquement le rôle qu’il joue dans la délivrance des documents, liés à la commercialisation. Selon notre interlocuteur, leur direction ne dispose pas de vraies données de la production de l’or en République de Guinée et il n’y a même pas d’institution qui en possède avant de conclure : « Tous les exportateurs de l’or en République de Guinée ne passent pas par la procédure normale avant de faire leurs transactions à l’extérieur », a égrainé.
Contacté par notre rédaction, le ministère des mines et de la géologie, la direction de la brigade anti-fraude des matières précieuses, la chambre des mines, les comptoirs de l’or et de la douane des frontières, aucune n’a accepté de répondre à nos sollicitations, malgré l’envoi des courriers, des appels téléphoniques et démarches également sont restés sans suite.
Une enquête réalisée par Mamadou Diallo pour afriquevision.info
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