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Tribune. Et si l’affaire Faya Millimono conduisait vers la dépénalisation de la diffamation ?

S’agissant d’un débat politique, un politicien doit avoir un plus grand degré de tolérance qu’une personne privée à l’endroit de la critique. Par conséquent, la réputation du premier devrait entrainer une moindre protection. C’est ainsi que peut être résumée la substance de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière car l’homme politique « s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes ».

La liberté n’est jamais aussi forte en droit que lorsqu’elle répond à un enjeu d’intérêt général. Des déclarations ou allégations présentant donc un intérêt général, même quand elles se révèlent inexactes, ne devraient pas être passibles de sanctions, à condition qu’elles aient été faites sans connaissance de leur inexactitude et que leur véracité ait été vérifiée avec la diligence nécessaire. En l’espèce, Faya Millimono a présenté des excuses publiques dès lors qu’il a pris connaissance du caractère inexact des propos tenus à l’encontre du Ministre de la Justice en reconnaissant avoir été trompé par sa source.

L’usage abusif de poursuites pour diffamation peut s’apparenter à des tentatives de réduire les hommes politiques au silence. De tels abus n’ont pas leur place dans une société démocratique et constituent « une forme particulièrement insidieuse d’intimidation ». Ils font peser une épée de Damoclès sur les hommes politiques et les médias de manière générale. En effet, c’est la société tout entière qui pâtit des conséquences des pressions que peuvent ainsi subir des hommes politiques, lesquelles aboutissent à une véritable autocensure et peuvent réduire substantiellement le débat démocratique et la circulation des informations d’intérêt général.

La situation dans laquelle se trouve l’opposant Faya Millimono est révélatrice d’une tendance de fond observable sous le régime d’Alpha Condé : une justice à deux vitesses qui se traduit par une impunité totale pour les affidés du pouvoir et une justice expéditive contre les partisans de l’opposition. Or, dans tout système démocratique, la justice ne doit pas seulement fonctionner efficacement, mais également prouver cette efficacité de façon à forcer le respect du citoyen. Nous en sommes, en cette malheureuse occurrence, bien loin. Ne serait-il pas temps d’envisager la dépénalisation de la diffamation pour une meilleure respiration de la démocratie?

 

 

Nadia Nahman

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