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L’Inde à la quête des marchés sur l’Afrique de l’Ouest

Le président indien Ram Nath Kovind est en visite officielle toute cette semaine dans trois pays jamais visités par les autorités indiennes : le Bénin, la Gambie et la Guinée. Objectif : étendre son influence en Afrique francophone. 

Le Bénin et ses deux capitales, Porto-Novo et Cotonou. Première étape de la tournée africaine du président indien Ram Nath Kovind, arrivé ce dimanche 28 juillet pour une visite officielle de plusieurs jours en Afrique de l’Ouest. Pour cette première visite d’un dirigeant indien dans le pays, les autorités béninoises ont mis les petits plats dans les grands. Après la signature ce lundi avec son homologue béninois Patrice Talon de plusieurs accords de coopération, destinés à dynamiser les relations bilatérales entre le Bénin et l’Inde dans divers domaines, le dirigeant se rendra à Porto-Novo, siège du Parlement béninois, et s’adressera à l’Assemblée nationale, en tant qu’invité spécial. Il rencontrera également les membres de la communauté indienne lors d’une réception organisée en son honneur à Cotonou le 30 juillet, avant de partir pour la Gambie et la Guinée, a annoncé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué jeudi à New Delhi.

Une approche plus pragmatique pour New Delhi

Depuis que le gouvernement Modi a pris ses fonctions en 2014, le nombre de visites de haut niveau en Afrique, riches en ressources, a augmenté, en particulier depuis le troisième sommet Inde-Afrique en 2015. Le pays – situé entre le Nigeria et le Togo et également bordé par le Niger et le Burkina Faso – est l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Inde en Afrique de l’Ouest. Alors que le président indien a très peu de pouvoir, cette nouvelle tournée – la quatrième depuis son arrivée – revêt un fort caractère symbolique au moment où New Delhi multiple les initiatives depuis son méga sommet Inde-Afrique de 2015. Pourquoi l’Inde s’intéresse-t-elle autant à ces pays d’Afrique de l’Ouest, loin de sa géographie historique ?

Traditionnellement, les investissements indiens en Afrique, tant publics que privés, restaient limités aux pays d’Afrique orientale et australe, principalement en raison de leur proximité géographique et du nombre élevé de diasporas indiennes dans ces pays. Ouganda, Tanzanie, Kenya, Afrique du Sud, Maurice : les grandes entreprises indiennes telles que les Tatas, Bharti, Reliance, Vedanta, Mahindra et Mahindra, Essar y sont activement impliquées et ont une forte empreinte. Cependant, au cours de la dernière décennie, les investissements indiens en Afrique se sont considérablement développés, à la fois en termes de répartition géographique et de couverture de divers secteurs.

Au total, le commerce entre l’Inde et l’Afrique a plus que décuplé, passant de 7,2 milliards de dollars en 2001 à 78 milliards de dollars en 2014, faisant de New Delhi le quatrième partenaire commercial de l’Afrique, selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique.

L’Afrique de l’Ouest, au-delà des matières premières

L’Inde s’est franchement positionnée dans des pays où elle trouve les matières premières dont elle a besoin pour soutenir son industrialisation. L’énergie et les ressources minérales sont des secteurs d’intérêt stratégique pour l’Inde. Ces produits représentent environ 75 % du total des exportations africaines vers l’État continent, tandis que les exportations indiennes vers l’Afrique sont dominées par les produits pétroliers et pharmaceutiques raffinés. Ainsi un pays comme le Nigeria est devenu un des principaux fournisseurs de pétrole à l’Inde.

Mais aujourd’hui, c’est une entrée au cœur du golfe de Guinée que recherche l’Inde. L’Afrique de l’Ouest est d’autant plus attractive qu’avec ces quinze pays unis sous la bannière de la Cédéao, elle constitue une région riche en ressources minérales et figure parmi les régions à la croissance la plus rapide sur le continent africain. La région représente 25 % du PIB total de l’Afrique. Pour attirer davantage d’investissements, de nombreux pays ont mis en place des incitations à l’investissement sous forme de protection contre les expropriations, de non-discrimination entre investisseurs nationaux et investisseurs étrangers, et ont également mis en place des agences de promotion des investissements pour promouvoir les IDE dans ces pays. Le Bénin a par exemple créé un guichet unique pour les investissements, éliminant la nécessité de légaliser les règlements de la société, réduisant les exigences de capital minimum. Plus surprenant encore c’est bien l’Inde et non la Chine qui est le principal partenaire commercial du Bénin. Depuis 2009, New Delhi met à disposition du petit pays de l’Ouest des lignes de crédit à travers l’Exim Bank India, pour répondre notamment aux défis de l’agriculture. Aujourd’hui, selon un document du ministère béninois des Affaires étrangères, plus de 1 200 Indiens vivent dans le pays et « près de 230 sociétés indiennes exercent des activités dans le pays, dont 165 dans la vente au détail de textile, de riz, de noix de cajou, de ferraille et de produits électroniques, ainsi que d’aliments et de produits courant dans des libre-service ». Autre secteur de coopération, la lutte contre la piraterie dans le golfe de Guinée.

Quand à la Gambie où doit se rendre le président à partir du 31 juillet, bien que faisant partie des rares pays anglophones d’Afrique de l’Ouest, le pays entretient un partenariat stable avec l’Inde. Selon le site Internet du ministère indien des Affaires étrangères, New Delhi a consenti plusieurs lignes de crédit à la Gambie, pour un total de 90 millions de dollars notamment pour une usine de montage de tracteurs et la construction du complexe de l’Assemblée nationale inauguré en octobre 2014. L’Inde a également formé de hauts responsables gambiens dans ses écoles de formation des officiers.

La dernière escale du président devrait être la Guinée. L’Inde a récemment rouvert sa mission diplomatique dans le pays. Il s’agit de  l’une des 18 missions que New Delhi compte ouvrir afin de renforcer son engagement avec le continent africain. Dans les années 1960-1980, l’Inde était perçue comme une influence clé en Afrique, en soutenant l’indépendance et la décolonisation sur le continent. Cependant, son importance a diminué depuis et a été supplantée principalement par la Chine.

Lors du sommet du forum Inde-Afrique de 2015 à New Delhi, l’Inde avait reconnu que, si ses liens avec l’Afrique anglophone étaient assez solides en raison du passé colonial commun, elle avait une présence substantielle dans de grands pays francophones tels que l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal, où des entreprises de taille moyenne telles que Godrej (biens de consommation), Kirloskar (pompes agricoles) se sont durablement implantées. New Delhi avait également promis une plus grande coopération universitaire, dont l’attribution de 50 000 bourses pour l’accueil d’étudiants africains en Inde.

 

Le Point

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