Depuis des jours, la nouvelle de l’adoption par les députés d’une loi sur la polygamie, est diversement appréciée dans la cite. Chacun y allant de son commentaire. Toute chose qui parait naturelle et normale. Car, Dieu nous a créés ainsi dans une incessante divergence d’idées et d’actions.
Cependant, que devrait être la position du musulman que je suis dans une telle atmosphère? Voilà la réflexion que je souhaiterais apporter au débat.
La polygamie, qui consiste pour un homme d’avoir plusieurs partenaires, est une pratique très ancrée dans la culture musulmane. Elle tire sa légitimité du verset 3 du chapitre 4 (les femmes) du coran qui stipule, je cite, «Si vous craignez, en épousant des orphelins, de vous montrer injustes envers elles, sachez qu’il vous est permis d’épouser en dehors d’elles, parmi les femmes de vos choix, deux, trois ou quatre épouses. Mais si vous craignez encore de manquer d’équité, n’en prenez alors qu’une seule, libre ou choisie parmi les esclaves.» Partant donc de ce verset qui est sans aucune ambiguïté, nous pouvons déduire que le principe général est la légalité de la polygamie et la monogamie, l’exception.
Ainsi, le prophète Muhammad (Paix et Salut de Dieu sur lui), qui fut la parole vivante du coran, ne dérogea pas au principe étant donné qu’il fut lui-même polygame. La population guinéenne, en grande majorité musulmane, ne déroge pas non plus audit principe – facultatif – de la polygamie si l’on se réfère aux pratiques qui ont cours depuis toujours. Voilà pourquoi les députés dans leur grande majorité, au vu de cette réalité, avaient opté, une première fois, pour l’adoption de la polygamie sans restriction aucune. Cependant, le Chef de l’Etat, qui se devait de promulguer la loi afin qu’elle puisse entrer en vigueur, a renvoyé ladite loi à l’assemblée pour révision. Ce fait, j’estime et cela n’engage que ma personne, serait dû au fait que le Chef de l’Etat se trouvant entre le marteau des hommes et l’enclume des femmes, n’avait d’autre choix que de demander aux représentants du peuple ce second travail de relecture. Par conséquent, dans une pareille circonstance, la tâche ne parait pas du tout aisée pour un Chef d’Etat qui doit à la fois satisfaire et les femmes et les hommes.
Aux femmes donc, pour moi qui suis issu d’une famille polygame, il y a lieu d’accorder un certain crédit à leur inquiétude. Leur combat pour une reconnaissance est normal et justifié, car, dans la grande majorité des cas, les secondes épouses viennent très souvent ravir la vedette aux premières étant fortes du soutien de leurs maris à elles pour faire régner un climat de méfiance, d’animosité et d’inimité. Et cette situation va jusqu’à affecter les rapports entre les enfants et leur père et entre les enfants eux-mêmes. Par contre, si les secondes épouses étaient conscientes qu’elles sont redevables aux premières épouses de leur présence dans un foyer, elles auraient peut-être plus de considération et de respect à l’égard des premières et réfléchiraient par des fois avant de réagir à quelque action qui viendrait de ces dernières.
Aux femmes, je rappelle ce que fut Khadîdja, la mère des croyants, pour le prophète (Paix et salut sur lui); elle fut tellement bonne que le prophète (Paix et Salut sur lui) ne songea jamais lui trouver une coépouse sauf après sa mort. La bonté qu’elle fit montre à l’endroit du prophète (Paix et Salut sur lui) resta gravée dans la mémoire de ce dernier à tel point que Aicha, cette autre épouse du prophète, ressentait de la jalousie chaque fois qu’il l’évoquait, bien qu’elle ne l’ait jamais connue.
Aux hommes, il y a lieu de rappeler que cette demande des femmes est en grande partie due à leur attitude vis-à-vis de leurs premières épouses. Car, s’ils avaient été doux et courtois envers elles comme l’a si bien recommandé le prophète (Paix et Salut sur lui), je cite, «Le meilleur d’entre vous, c’est celui qui est bon envers sa famille, et je suis celui d’entre vous qui est le plus bon envers sa famille.» et avaient fait siennes cette recommandation prophétique, ils n’allaient pas se heurter à une telle réquisition de la gent féminine. Qui dit donc famille, fait allusion nécessairement à la femme, le noyau central parce que sans elle il n’y a pas de famille.
Aux imams – j’en suis un –, je demande la modération dans la parole et la bonne appréhension du sujet de fond en comble. Qu’ils sachent qu’à la place des députés, nous ne pourrions faire mieux. En effet, de l’indépendance à nos jours, la loi qui a prévalu, c’est celle de l’interdiction formelle de la polygamie. Mais, si aujourd’hui, nos députés sont parvenus, avec l’exigence du Chef de l’Etat qui, je le rappelle, se trouverait face à un dilemme, à produire une loi meilleure à celle d’antan, il y a lieu de comprendre et de réfléchir plus d’une fois avant de faire quelque déclaration publique que ça soit. La sortie donc de ce confrère qui a eu des mots très durs à l’endroit des députés, n’est pas du tout à notre honneur. Nous nous devons d’être, comme l’a dit le prophète (Paix et Salut sur lui), des bergers qui prônent la bonne parole et annoncent la bonne nouvelle. Nulle part dans les textes du coran et de la sounna, il nous est dit de nous ériger en des juges qui délivrent des quitus. Le coran nous rappelle que le jugement ultime n’appartient qu’à Dieu dont le pardon est immense et infini.
Pour conclure, la polygamie, au-delà d’être une nécessite pour certains hommes, soucieux de l’harmonie au sein de leur famille, au sens large et guinéen du terme, est une obligation pour ces autres hommes qui seraient tentés par le vagabondage sexuel, excusez-moi du terme. Au vu de ce fait indéniable, il est sollicité des femmes d’être plus indulgentes et de faciliter la tâche à leurs maris. Toutefois, il faut rappeler que tout dépend du comportement et de l’attitude de l’homme.
Fasse Dieu régner la paix et la concorde au sein des foyers et bon ramadan à toutes et à tous!
Mamadou Djouldé Sow
Imam à la mosquée Elhadj Abdoullah Diallo de Bantounka
Membre du Conseil Consultatif de l’AEEMG
Secrétaire Administratif de l’Organisation Al-Imam Malick