Yaoundé bruissait de rumeurs sur sa future arrestation rangée dans les spéculations. Ce mardi 5 mars, la rumeur a laissé place à la réalité: placé en garde-à-vue après une audition au Tribunal criminel spécial (TCS), spécialisé dans les enquêtes anticorruption, Alain Mebe Ngo’o, le fils adoptif de Paul Biya, a été incarcéré à la Prison centrale de Kondengui dans une sombre affaire de surfacturation supposée. Pris dans les filets des gendarmes anti-corruption, cet ancien ministre de la Défense du Cameroun chute aussi bas que l’a été son ascension fulgurante.
Ce sera sans doute le détenu le plus populaire de la célèbre prison centrale de Kondengui. Alain Mebe Ngo’o, jusqu’ici présenté comme le fils intouchable de Paul Biya, occupe depuis ce 6 mars, une cellule dans un des 14 quartiers de ce centre pénitentiaire qui accueille déjà d’anciens ministres, ex-directeurs d’agences publiques, conseillers ministériels, tout ce que le Cameroun compte de hautes personnalités soupçonnées d’avoir eu une gestion délictueuse d’affaires publiques.
D’une cellule du TCS à la prison centrale de Kondengui
Certains de ceux qui vont partager avec cet ancien ministre de la Défense et des Transports la même cour de promenade, lui doivent même leur détention dans la prison urbaine la plus peuplée du Cameroun. Ce mercredi 6 mars, Alain Edgar Mebe Ngo’o a été transféré de sa cellule du Tribunal criminel spécial (TCS) où il avait été placé en garde-à-vue pour une autre de la Prison centrale de Kondengui, rapporte la presse locale.
Après plusieurs auditions auxquelles il ne s’était jamais présenté, c’est finalement ce mardi 5 mars que l’ancien ministre des Transports a été entendu dans les locaux du Tribunal criminel Spécial (TCS), celui-là même qui enquête et réprime toutes les «infractions de détournements de deniers publics et des infractions connexes» dans la gestion publique. Pendant plusieurs heures Alain Mebe Ngo’o a fait face aux questions des enquêteurs qui ont décidé, au terme de l’audition de le placer en garde-à-vue dans une cellule du TCS. Entendu à nouveau ce mercredi 6 mars, cet ancien chef du Cabinet civil de Paul Biya, a finalement été transféré à Kondengui.
La même procédure a également visé Joël Mboutou, l’ancien attaché de défense du Cameroun au Maroc, Maxime Mbangue, son ancien conseiller technique au ministère de la Défense ainsi que Victor Emmanuel Menye, le directeur général adjoint de la banque SCB. Tous les trois ont également été déférés à la prison centrale. Seule Bernadette Mebe Ngo’o, l’épouse de l’ancien ministre semble avoir été épargnée par les ordres de déferrement du TCS.
Face à « Epervier », l’ascension puis la chute d’Alain Mebe Ngo’o
Frappé d’une interdiction de sortie du territoire nationale, le 31 janvier, le domicile d’Edgar Alain Mebe Ngo’o a fait l’objet d’une perquisition le 5 février dernier à sa résidence d’Odza, un quartier résidentiel de Yaoundé, la capitale du Cameroun. Depuis les rumeurs allaient bon train sur une future arrestation de ce fils surpuissant de la République, protégé sous le dais de Paul Biya, son père adoptif. Jusqu’ici les motifs de cet enchaînement judiciaire sur Alain Mebe Ngo’o n’ont pas été rendus public.
S’appuyant sur l’enquête du journaliste camerounais Jules Koum Koum, décédé en 2010, la presse locale croit savoir que cet ancien patron de la Sûreté nationale est pris dans les serres de l’Opération Epervier, lancée en 2006 contre la corruption dans la haute administration camerounaise. L’enquête du journaliste faisait état d’une surfacturation dans la commande par le ministère de la Défense (alors dirigé par Alain Mebe Ngo’o) de tenues militaires à la société française MagForce.
Neveu du président de la République, Edgar Mebe Ngo’o avait gagné le surnom de «vice-président» en référence à une candidature secrète à la succession de Paul Biya. Fait-il les frais de cette ambition? Sa fortune colossale, largement commentée, lui vaut-elle les fouilles des limiers du TCS? Toujours est-il que même sa lettre de contrition de 4 pages dans laquelle il demandait le pardon de Paul Biya ne l’aura pas sauvé d’une chute aussi vertigineuse que sa fulgurante ascension.
Avec afrique.tribune.fr