Avec l’insécurité, et l’incapacité de l’État, de mobiliser les capitaux nécessaires pour gérer les mines, une économie informelle s’est mise en place.
Sur la mine de Birambo, une bande de terre boueuse et de trous à flanc de colline, s’activent des centaines de « creuseurs ». Armés d’outils rudimentaires, ils s’échinent au travail pour récolter des fragments de pierre grisâtre : le coltan. Ce minerai, principal composant de l’étain, est un excellent conducteur. Il est indispensable à la fabrication des téléphones portables, ordinateurs et autres objets électroniques de notre quotidien. La République démocratique du Congo abrite un des sous-sols les plus riches du monde, bourré d’or, coltan, cobalt, étain, cuivre et diamants.
Dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu, l’immense majorité des mines sont exploitées de manière artisanale. « Dans les années 1990, l’exploitation artisanale s’est développée sur tout le territoire de l’Est du pays, explique Fidel Bafilemba, directeur du Groupe d’appui à la traçabilité et à la transparence dans la gestion des ressources naturelles. Avec l’insécurité, et l’incapacité de l’État, de mobiliser les capitaux nécessaires pour gérer les mines, une économie informelle s’est mise en place, abandonnée aux groupes armés et aux militaires congolais ».
Une réglementation européenne… dès 2021
La loi Dodd-Frank, et l’embargo de fait sur les minerais de RDC qui l’a accompagnée, était tombée comme un coup de massue pour les creuseurs congolais.
La loi Dodd-Frank, et l’embargo de fait sur les minerais de RDC qui l’a accompagnée, était tombée comme un coup de massue pour les creuseurs congolais. – © Patricia HUON
Ces derniers s’alimentent en taxant le commerce des ressources naturelles – en particulier les minerais. En réaction, des ONG internationales ont fait pression pour obtenir une réglementation. En 2010, la loi Dodd-Frank a été adoptée aux États-Unis, obligeant les sociétés cotées en bourse à divulguer si leurs produits contiennent des « minerais de conflit » produits en RDC. En mars 2017, le Parlement européen a voté une loi similaire, visant à stopper le financement de groupes armés et les violations des droits de l’Homme via le commerce de minerais à travers le monde. Les sociétés européennes ne devront cependant s’y conformer qu’à partir de 2021.
La loi Dodd-Frank, et l’embargo de fait sur les minerais de RDC qui l’a accompagnée, était tombée comme un coup de massue pour les creuseurs congolais. Avec le temps, ils se sont organisés, regroupés en coopératives et ont appris à maîtriser les mécanismes de la certification. Les coopératives sont censées défendre leurs droits, ont créé des caisses d’épargne avec, parfois, quelques retombées positives pour les creuseurs.
« Cela permet de se donner bonne conscience »
« Il y a eu finalement peu de réflexion sur les conséquences de ces processus de traçabilité et à qui il a réellement profité ».
Mais les mines reconnues « propres » peuvent se situer à quelques collines de celles contrôlées par des groupes armés. Les limites sont floues. Le monopole de certaines sociétés, négocié avec les autorités congolaises, sur l’achat de coltan « propre », a aussi maintenu les prix bas.
« Cela permet de se donner bonne conscience, mais il y a eu finalement peu de réflexion sur les conséquences de ces processus de traçabilité et à qui il a réellement profité, estime Benjamin Rubbers, professeur à l’Université de Liège, qui a étudié l’impact de l’exploitation minière artisanale dans le Katanga. Par ailleurs, des minerais – le cobalt, par exemple – ne sont pas inclus dans ces initiatives ».
Il y a aussi énormément de possibilités de fraude. Certains préfèrent ainsi passer par les circuits illégaux, ou migrer vers les sites aurifères. Plus de 90 % de l’or – un minerai moins lourd et plus facile à dissimuler – extrait des terres de l’Est de la RDC sortirait du pays illégalement.
Patricia Huon
RTBF / MCP, via mediacongo.net