Près de cinq mois après les consultations locales, la Guinée ne parvient toujours pas à installer ses conseils communaux élus. La classe politique enchevêtrée dans les méandres d’un dialogue de sourds, ne se préoccupe plus des périls d’un glissement du calendrier des législatives devenu quasi certain. Conséquence, la Guinée se dirige tout droit vers une crise politico électorale sans précédent.
« La politique ne réussit que par la duplicité », disait le romancier Ahmadou Kourouma. La classe politique guinéenne l’a plutôt bien assimilé, engluée depuis trop longtemps dans un conflit postélectoral dont personne in fine ne cherche à sortir.
L’heure de l’épreuve de force passée, les parties semblent avoir compris les limites de leurs moyens traditionnels d’actions. Elles rassemblent de nouvelles forces après la longue pause imposée par le carême et le ramadan. Mais cela ne semble pas si aisé, surtout après un changement de gouvernement qui a vu atterrir dans l’arène un nouveau Premier ministre.
Et comme pour compliquer un peu plus cette revue des forces en présence, le nouvel interlocuteur a un parcours quasi similaire à celui du premier opposant du régime Condé. Bien plus, il est un ami et un collaborateur de longue date. La traditionnelle trêve accordée au nouvel entrant sera donc soit un armistice soit le calme avant la tempête.
Près de cinq mois après les élections communales, les discussions entamées au sein du comité de suivi de l’accord politique du 12 octobre 2016 sont au point mort. Mouvance et opposition semblent s’être résolues à camper sur leurs positions, s’installant à nouveau dans un climat de défiance qui nous ramène à la case de départ. La tension née des violences postélectorales une fois estompées, la mouvance n’a plus grand intérêt à hâter le pas. L’opposition, quant à elle, a du mal à remobiliser ses troupes, et la coïncidence de la grève des enseignants du début de l’année qui l’avait involontairement favorisée s’est estompée depuis belle lurette.
Mais ce dont personne ne semble avoir envie de parler, ce sont les élections législatives qui doivent être organisées dans le premier trimestre de l’année 2019. Curieusement, aucun budget n’a été prévu dans la loi de finances 2018 pour l’organisation de ces consultations. Il faudra nécessairement retourner à l’assemblée nationale pour faire adopter un projet de loi dont on ne sait rien à l’heure actuelle.
La session des lois en cours tend vers la fin alors qu’aucune initiative de loi sur la CENI n’est sur la table du parlement. Cependant, la convocation par décret d’une session extraordinaire pour l’examen de ces deux textes ne pourra pas intervenir avant le 05 aout, c’est-à-dire juste 30 jour avant la prochaine session budgétaire !
Sur le plan technique, l’OIF vient à peine de quitter nos murs ; et l’opposition se cambre déjà et exige la présence d’experts venant de l’UE et des Nations-Unies au sein de l’équipe qui doit auditer le fichier électoral. Les prévisions les plus optimistes prévoient six mois, du lancement de l’appel d’offre pour le recrutement d’un opérateur technique à la correction après l’affichage des listes.
Or, tout porte à croire que la bataille autour de ce fichier électoral sera sans merci, tant il est douteux et infesté depuis 2010. Les récriminations et réclamations des partis politiques risquent bien d’allonger un processus pour lequel on matériellement plus de temps.
L’autre défi non moins capital est le nerf de la guerre. A ce jour la Guinée n’a ni l’ambition ni les moyens de financiers pour organiser toute seule ces élections. Or, l’aide des partenaires est aussi soumise à des procédures qui exigent du temps.
A moins d’un nouvel accord politique qui violerait les lois du pays, ou le renoncement à une phase cruciale du processus que l’audit du fichier électoral, il est mathématiquement impossible de tenir les législatives avant dix mois au minimum. Ce scénario plus que probable provoquerait un glissement du calendrier de la présidentielle de 2020, dont on a plus besoin de discourir sur les enjeux.
Il revient donc à notre classe politique de se reprendre prestement en allant à l’essentiel. Tout faux pas supplémentaire risque de conduire notre pays à un scénario à la congolaise, qui plongerait le pays dans une crise politico électorale sans précédent. Comme le disait Abraham Lincoln « Vous ne pouvez échapper à la responsabilité de demain en l’évitant aujourd’hui. »
Par Mohamed MARA, sur radio Espace FM