Ce carnaval de très mauvais goût n’a que trop duré. Alors que des voies légales existent pour régler le conflit qui mine le syndicat des enseignants, personne ne veut y recourir ; préférant ainsi les rapports de force. En face, des manœuvres téléguidées par des ministres en perte de vitesse alimentent ce désordre. Il est temps que ce soit sifflé la fin de la récréation.
Le secteur de l’éducation serait-il en train de devenir un capharnaüm qui échappe à tout contrôle ? C’est du moins l’image qu’il renvoie depuis plusieurs mois, tant les remous se succèdent aux convulsions. La responsabilité de l’appareil gouvernemental est engagée dans l’enlisement de la crise qui mine l’enseignement pré-universitaire. Bien plus l’Etat se comporte comme un poltron incapable de mettre de l’ordre dans ses écuries.
Depuis deux ans, le gouvernement Youla peine à trouver des solutions idoines aux revendications des enseignants. Face au mépris affiché en 2017 par le ministre d’alors, ces derniers n’avaient eu de choix que le débrayage. Le bilan est connu : huit morts dont les auteurs ne sont toujours pas poursuivis, et de nombreuses destructions de biens publics et privés.
Le ministre actuel est soupçonné par certains milieux d’avoir été de ceux qui ont tiré les ficelles, en vue de renverser son prédécesseur, Ibrahima Kourouma. On est donc en droit de se demander le rôle réel des nombreux soutiens du celui-ci dans la pagaille actuelle, qui sauf grande surprise, emportera également Ibrahima Kalil Konaté K2.
Disons-le tout cru, la crise qui mine le SLECG est le fait de vieux syndicalistes qui ne veulent pas perdre leurs nombreux avantages, et qui n’ont pas su s’arrêter au bon moment. Ils sont soutenus dans leur odyssée par un ministre de l’éducation nationale dont le leadership est inexistant ; et surtout par un ministre du travail, politique jusqu’à la moelle, qui régente le monde du travail depuis de bien longues années. Leur frustration commune d’avoir été écartés des dernières négociations avec le SLECG a encore du mal à passer, et ils entendent bien reprendre la main.
K2 n’a-t-il pas recruté en catimini 136 nouveaux enseignants dont la mission, on s’en doute, sera de créer la zizanie dans les rangs des 5000 jeunes recrutés l’année dernière, et qui sont le principal soutien de l’équipe d’Aboubacar Soumah ? Quant à Damantang Camara, les discours de son département laissent clairement entrevoir une prise de position en faveur de l’ancienne équipe dirigée par Sy Savané & Co, avec la complicité de l’USTG de Louis M’Bémba Soumah et la CNTG d’Amadou Diallo.
Mais la prise en otage de notre éducation nationale ne serait pas effective sans l’onction des syndicalistes eux-mêmes. Pour qui se battent-ils en fin de compte ? Une nouvelle grève déboucherait immanquablement sur une année blanche aux conséquences incalculables. Pis, dans le climat sociopolitique actuel, une telle entreprise a toute les chances de dégénérer. Qu’ils sachent donc s’arrêter et recourir aux moyens légaux. Après tout, ce conflit-ci ne concerne que les leaders du mouvement syndical.
Leur jusqu’au-boutisme, ces derniers temps, semblent les avoir enfermés dans une bulle. Ils n’en font qu’à leurs têtes, poussant l’incohérence jusqu’à menacer d’exiger le départ d’un ministre, donc du représentant de l’employeur. Ils peuvent à la limite récuser un interlocuteur, comme ils l’avaient d’ailleurs obtenu début mars, mais aucunement ne laisser entendre pareille incongruité. Le scénario de 2007 n’est ni similaire à la situation actuelle ni opportun.
Que Aboubacar Soumah, Dr Sy Savané ou Louis M’Bémba Soumah saisisse le tribunal du travail, puisque leurs positions semblent désormais inconciliables. Que le ministère du travail ou même celui de la fonction publique est en justice, puisqu’ils ont qualité et intérêt désormais. Mais diantre ! Qu’ils arrêtent cette guerre sous-marine qui n’a d’enjeu pour eux que leur égo.
Le premier ministre, s’il y en a un, doit se rappeler qu’il est le responsable de la promotion du dialogue social et de l’application des accords avec les partenaires sociaux. Que le Président veuille bien siffler la fin de cette récréation en mettant en situation des personnes crédibles et capables de résoudre les crises sociales dans ce pays. L’avenir de nos enfants est en jeu, et il serait impardonnable que l’irresponsabilité de l’Etat lui fasse encore plus de mal.
Par Mohamed MARA, sur radio Espace