Les élections n’effacent pas les problèmes. Voilà ce qu’affirmait l’homme politique français, Jean-Pierre Raffarin. J’ajouterai que leur bon déroulement peut structurer paisiblement l’avenir et atténuer des tensions. Surtout s’agissant du cas spécifique de la Guinée.
L’instabilité chronique dans laquelle est plongée la Guinée durant ces dernières années mérite une attention particulière aussi bien pour les acteurs politiques que des universitaires ou encore des simples observateurs.
Que nous enseignent les différents processus électoraux qui se sont succédé en Guinée depuis 2010 ? Apporter des éléments de réponse à cette interrogation, exige de prendre en compte un certain nombre de paramètres.
Au prime abord, rappelons qu’il est illusoire de croire qu’une élection peut être transparente sans un fichier électoral de qualité. Cet aspect représente le cœur de tout processus électoral et la stabilité de la démocratie en dépend dans une large proportion.
Malheureusement, le nôtre présente à ce jour, plusieurs insuffisances qui peuvent être décelées par le bon sens à travers les constats sur nos expériences électorales les plus récentes (2013, 2015, 2018).
Le recours aux empreintes digitales pendant le processus d’enrôlement des électeurs vise généralement à limiter, pour ne pas dire à freiner totalement, les différents cas de fraude. Ainsi, il est curieux de constater des doublons et même des triplons dans un fichier dit biométrique.
Ce constat loin d’être apprécié simplement comme un échec, doit être une préoccupation pour les acteurs socio-politiques de la Guinée. Ajouter à cela l’enrôlement des personnes qui n’ont pas atteint l’âge de voter (enfants mineurs).
Etant donné que le système de paramètrage des kits de recensement inclus le critère d’âge, on peut a priori considérer qu’aucun mineur ne peut y figurer car la validation n’est possible que pour les personnes qui ont 18 ans et plus.
Pour autant, les récentes élections encore en cours d’ailleurs, se sont illustrées par des images laissant comprendre que des jeunes qui n’ont pas atteint la majorité (enfants de moins de 18 ans) sont aujourd’hui enrôlés dans le fichier électoral qui nous sert de référence. On est ainsi amené à s’interroger sur cette situation. Comment est-ce possible ?
Pourquoi adopter la biométrie pour nos passeports et ne pas en faire autant pour nos cartes d’identité nationale ? Est-ce que cela est fait de façon délibérée pour permettre à tout moment de produire des cartes d’identité pour les mineurs sur la base de faux documents afin de les enrôler en nombre pour chaque élection ?
Ces interrogations méritent plus qu’un débat de fond, mais un certain sens de rigueur et de responsabilité à la fois des partenaires techniques et financiers de la Guinée que des acteurs locaux. De leur éclaircissement va surement dépendre l’avenir du système électoral de notre pays.
Par ailleurs, à en croire aux statistiques démographiques, il apparait que nous sommes l’une des populations les plus jeunes du continent. Ainsi, serait-il raisonnable d’admettre au regard du fichier actuel que plus de la moitié de cette population ( 54% environs ) puisse avoir plus de 18 ans ?
L’un des objectifs de la biométrie étant d’éviter ce type d’éventualités, alors à quel niveau se trouve le mensonge ou la conspiration qui crée autant de polémique et de suspicion ?
Des pistes de réflexions en vue d’apporter d’éventuelles réponses à ces interrogations peuvent conduire à poser un diagnostic rigoureux et chercher à y apporter des solutions intelligentes et adéquates. Ne prétendant nullement détenir le monopole du bon sens, chacun peut y réfléchir et répondre en expert ou en observateur soucieux de l’avenir de notre démocratie embryonnaire.
Pour ma part, j’estime que pour des raisons de sécurité et de transparence, nous devons envisager dans un premier temps la biométrisation du fichier du recensement général de la population et par voie de conséquence, rendre les cartes d’identité nationale biométrique. La base de données démographique étant ainsi définitivement sécurisée, nous pourrons extraire notre fichier électoral et le mettre à jour à travers un processus simple et moins couteux.
En s’assurant que les naissances et les décès sont régulièrement déclarés et enregistrés, nous pourrons savoir combien de guinéens serons électeurs lors du prochain scrutin et combien ne le sont pas ou plus. Ceci nous permettra non seulement d’anticiper sur l’ensemble des besoins liés à la gestion des nouveaux électeurs mais aussi nous évitera des opérations coûteuses et conflictuelles de révision permanente du fichier électoral.
A partir de là, seules les opérations de ré localisation des électeurs feront l’objet d’un processus spécial.
D’ailleurs, la biométrie nous permet de faire à la fois de la carte d’identité nationale une carte d’électeur et un permis de conduire à travers une bande de reconnaissance numérique qui s’adapte à tous les besoins éventuels d’utilisation.
Il est évidemment possible de rendre le fichier fiable à travers des choses simples à faire et l’ambition de sa qualification nous commande de saisir les opportunités que nous offre la modernité pour ne pas continuer de nous encombrer de méthodes rudimentaires qui ne contribueront qu’à fragiliser notre pays à chaque échéance électorale.
La politisation à outrance du débat sur cette problématique, à l’instar de beaucoup d’autres questions d’ailleurs, n’a jamais permis qu’elle soit abordée avec objectivité et lucidité. C’est-à-dire comme sujet technique d’enjeu républicain.
Sinon, en temps normal, ce combat est celui du gouvernement et des acteurs de la société civile d’abord, car au-delà des militants politiques, c’est l’ensemble des citoyens majeurs qui sont concernés par l’exercice du droit de vote.
Enfin, un fichier électoral ne doit être élaboré et entretenu selon des critères exclusivement politiques qui souvent ne tiennent compte que des positions et des critères catégoriels. Il reste et demeure un patrimoine de la nation toute entière.
NB : Ceci n’est qu’une modeste contribution dans un débat que je considère nécessaire et urgent d’ouvrir si nous voulons qualifier davantage notre processus électoral et ramener la confiance autour de son maillon le plus important.
Ainsi, nous ferons disparaître progressivement les risques de crise post-électorale à répétition.
Aliou BAH
Directeur de communication du Bloc Libéral
Mouctaraly@yahoo.fr