Autrefois, un havre de paix, la région de Boké est devenue, à force d’ouvrir les yeux devant les souffrances qui l’accablent, un nouveau sanctuaire des violences. Les citoyens n’entendent plus se résigner et exigent désormais de l’eau, de l’électricité est de l’emploi pour les jeunes.
Quatre mois après les violentes manifestations en avril dernier contre surtout le manque d’eau et d’électricité ayant fait un mort, les bokekas ont encore été obligés de battre le pavé. Lundi 11 septembre, les jeunes ont barricadé toutes les routes du centre-ville pour empêcher la circulation des engins des sociétés minières. Tout se passait bien et dans le calme tant que les forces de l’ordre venues de Conakry n’étaient pas intervenues. Leur intervention brutale a conduit à des violences inouïes. Le bilan fait état de 2 morts, l’un par balle et l’autre par asphyxie ainsi que 78 blessés dont 13 par balles. Dans les rangs des agents de la sécurité, 21 gendarmes dont 7 policiers ont été blessés.
La rançon Kalaboui-Boké
Les manifestations ont rendu l’accès dans la ville de Boké plus difficile. Les véhicules de transport se limitent à Kalaboui. Le reste du trajet sur 22 km se fait sur la moto. Plus de 20 barrages sont érigés par des jeunes sur la route. Le passager, en plus son transport à 30 mille FG, est obligé de débourser 5000FG au niveau de chaque barrage.
Des graves accusations contre les forces de l’ordre
Mohamed Camara, citoyen de Boké regrette qu’en dépit de la présence d’une dizaine des sociétés minières, les fils de Boké n’aient pas du travail. «Ils voient leur bauxite partir comme ça c’est difficile. Des milliards vont au compte du gouvernement et Boké ne bénéficie rien, on ne voit pas l’impact. Boké n’a pas d’électricité n’a pas d’eau, n’a pas de route. Ces camions quittent Tinguilinta, ils traversent la ville pour aller à Kamsar. Le dimanche passé le camion de GAC a heurté un jeune c’est ce qui a provoqué les émeutes. Le camion ne s’est pas arrêté il est parti c’est les riverains qui ont envoyé le jeune à l’hôpital. La compagnie ne s’est pas occupée du jeune. Cela a mis les gens en colère en plus il n y a pas de courant. L’arrivée du contingent des forces de l’ordre a exacerbé la manifestation».
Des édifices publics et privés ont été également la cible des manifestants. La gendarmerie, le siège du RPG Arc-en-ciel ainsi que d’autres domiciles appartenant à des officiers de l’armée et à des responsables du parti au pouvoir ont été vandalisés.
L’hôpital régional privé du courant
Les blessés les moins graves ont été admis à l’hôpital régional pour les soins. Le chef des urgences, Dr Bernard, explique: «nous travaillons en fonction de nos faibles moyens. C’est la pharmacie de l’hôpital qui prend en charge les blessés. Nous avons évacués 3 blessés graves à Kamsar pour faire la radiographie parce que nous n’avons pas le courant. Les jeunes ont exigé qu’on éteigne le groupe. Les jeunes ont aussi refusé que les gendarmes et policiers blessés se soignent au sein de l’hôpital ceux-ci se soignent quelque part dans la ville».
Rencontré à l’hôpital, le visage, les mains et les pieds bandés, Babadi Manet explique avoir été pris à partie par un groupe des gendarmes alors qu’il tentait de s’interposer contre la casse d’une boutique. «Nous étions arrêtés aux abords de la route lorsque nous avons aperçu des gendarmes forcer une boutique. Nous sommes venus défendre. Un autre groupe des gendarmes est venu en renfort. Comme ils étaient plus nombreux que nous, nous avons fui. Je suis tombé et un gendarme est venu me blesser avec sa baïonnette. Un autre pris sa gourmette pour taper sur ma tête. Ils ont pris mon téléphone et tous mes biens».
Le siège du RPG vandalisé
Vendredi dans les environs de 12h, un groupe des jeunes arrivent au siège du RPG arc-en-ciel. Ils jettent les meubles au dehors et commencent à mettre du feu. Une surprise totale pour Amara Kandiany Coumbassa, secrétaire général du parti, qui a été alerté alors qu’il était dans la mosquée. «Je ne sais pas pour quelle raison on détruit le siège du parti. Moi, je pensais que c’était un problème de courant à Boké, mais je trouve que c’est un problème politique qui s’associe. Depuis le début, j’avais dit qu’il y a beaucoup de dessous. Je vois des gens qui vandalisent et j’entends des gens dire à bas le professeur Alpha Condé. J’ai dit que ce n’est plus un problème de courant. J’ai vu des gens sortir les chaises et les bancs en train de bruler. C’est déplorable je pensais que c’est un problème de Boké mais s’il faut attaquer de part et d’autres vraiment cela m’étonne».
Cet autre militant du parti au pouvoir a, lui aussi, reçu la visite des manifestants à son domicile jeudi. Coumbassa Mohamed. «Il y a les manifestants qui sont allés chez moi et ils ont bastonné ma femme. Ce matin, je m’occupais d’elle pour l’envoyer à l’hôpital. Au retour, j’ai vu des gens se diriger vers le siège pour dire allons détruire. Je suis venu et j’ai observé. Ils ont fait tomber le mur, ils ont sorti les chaises et bancs et les ont brûlés».
Après 7 jours des violences inouïes, la ville de Boké est aujourd’hui presque fantôme sans aucune activité économique. Les boutiques et magasins sont fermés et la circulation complétement déserte. L’ouverture des classes annoncée pour le 15 septembre n’a pas été respectée. La direction préfectorale de l’éducation a demandé aux enfants de rester chez eux en attendant le retour l’accalmie.
Le Populaire