- À la Une, Actualités, Afrique, Environnement, Internationale, Mines & Environnement

Ouverture de la COP 16 à Cali, en Colombie : le monde franchit une étape cruciale pour faire la paix avec la nature

Cali, Colombie, 20 octobre 2024 — Avec quelque 23 000 délégués préinscrits représentant presque tous les pays de la planète, la cérémonie d’ouverture d’aujourd’hui de la 16e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB COP 16) marque l’arrivée d’un moment critique pour la biodiversité.

Suite à l’adoption historique par la COP 15 du Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (KMGBF) en 2022, la réunion de deux semaines à Cali devrait être un événement déterminant dans la mise en œuvre des objectifs ambitieux du cadre et des 23 cibles pour 2030, notamment la protection de 30 % des terres et des mers de la planète d’ici 2030, la réduction des subventions néfastes et la restauration des écosystèmes dégradés.

Le président colombien Gustavo Petro s’exprimera lors d’une cérémonie d’ouverture (16h30 heure locale) aux côtés du secrétaire général des Nations Unies, António Guterres (par vidéo) et de Susana Muhamad, ministre colombienne de l’Environnement, nouvelle présidente de la COP 16.

Les chefs de gouvernement du Brésil, de l’Équateur, d’Haïti, de la Guinée-Bissau, du Guatemala, du Mozambique et du Suriname, ainsi que les vice-présidents de la Bolivie, du Gabon, du Kenya, de Cuba et de l’Espagne, seront également présents. Près de 100 ministres les rejoindront lors du segment de haut niveau de la COP 16 (29 et 30 octobre), alors que les délégués s’efforceront de conclure les négociations avant la clôture de la COP 16 le 1er novembre.

Les délégués ont beaucoup de travail devant eux. Les pays doivent démontrer des progrès dans la mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal (CMGBF).

Ils négocieront pour rendre opérationnel le mécanisme multilatéral (établi par la COP 15) pour le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques (DSI), y compris un fonds mondial.

Les négociateurs devraient également trouver un terrain d’entente sur la manière de mobiliser des ressources supplémentaires pour la protection de la biodiversité et de veiller à ce qu’elles soient fournies en temps opportun là où elles sont le plus nécessaires.

L’accent sera également mis sur la reconnaissance et la valorisation des contributions des peuples autochtones et des communautés locales en tant que gardiens de la biodiversité et partenaires clés de sa conservation, de sa restauration et de son utilisation durable.

Les enjeux de la COP 16 n’ont jamais été aussi élevés. Les débats reflètent les défis multiformes auxquels notre planète est confrontée. Plus important encore, ils soulignent l’urgence d’une action collective.

La question qui plane sur le rassemblement est la suivante : le monde sera-t-il capable de transformer les engagements en changements concrets ?

Stratégie nationale et plans d’action pour la biodiversité : premier rapport d’étape sur le KMGBF

La COP 16 est un moment crucial pour évaluer les contributions nationales au KMGBF. Les Parties travaillent actuellement à la mise à jour ou à la création d’une Stratégie et d’un Plan d’action nationaux pour la biodiversité (SPANB), détaillant la manière dont elles contribueront aux objectifs mondiaux en matière de biodiversité. La COP 15 a convenu que si les pays n’étaient pas en mesure de les atteindre d’ici la COP 16, ils pourraient soumettre des objectifs nationaux alignés sur ceux du niveau mondial. Pour la première fois depuis la COP 15, les pays présenteront leurs progrès dans l’élaboration et la mise en œuvre des SPANB, un test décisif pour savoir si le monde est sur la bonne voie pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de biodiversité fixés pour 2030.

Au-delà des 33 stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité soumis par les Parties jusqu’à présent, 105 autres Parties ont soumis des objectifs nationaux.

L’examen de ces plans et objectifs mettra en lumière les succès obtenus et les obstacles qui se dressent sur la voie de la réalisation des objectifs. Les défis sont énormes, du financement limité aux priorités politiques contradictoires. Mais le monde a besoin de stratégies et d’objectifs nationaux qui soient à la fois ambitieux et réalistes.

Séquences numériques d’informations : une nouvelle frontière en matière de biodiversité

L’un des sujets les plus complexes et les plus évolutifs à l’ordre du jour de la COP 16 est celui des informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques (DSI). Il s’agit de la représentation numérique des séquences génétiques qui sous-tend la recherche en génétique végétale et animale. Si les DSI offrent un immense potentiel d’innovation scientifique – permettant de nouvelles découvertes dans des domaines tels que l’agriculture, les produits pharmaceutiques et la biotechnologie – elles présentent également des défis importants en matière d’accès et de partage des avantages (APA). L’utilisation des informations génétiques sans compensation adéquate pour les pays ou les communautés d’où elles proviennent suscite des débats depuis les discussions sur la biologie synthétique lors de la COP 13 en 2016 à Cancun.

Lors de la COP 15, la communauté internationale a conclu un accord historique visant à garantir que les bénéfices tirés de l’utilisation de l’information numérique soient partagés de manière juste et équitable. Un nouveau mécanisme multilatéral mondial a été établi, notamment un fonds mondial destiné à faciliter le partage équitable de ces bénéfices.

Lors de la COP 16, les délégués examineront les résultats d’un processus de négociation de deux ans et seront invités à s’accorder sur la manière de rendre ce mécanisme opérationnel : qui doit payer, combien, quand, qui recevra le financement et d’autres questions fondamentales. Avec la participation active des parties prenantes des communautés autochtones et locales, de l’industrie, du monde universitaire et de la communauté scientifique, la COP 16 permettra de vérifier si la communauté internationale peut passer de la théorie à la pratique en partageant les bénéfices de la recherche génétique d’une manière qui favorise l’équité et la durabilité tout en mobilisant des ressources pour la mise en œuvre, y compris le soutien aux peuples autochtones et aux communautés locales.

Débloquer des financements pour la biodiversité provenant de toutes les sources

Il ne reste qu’un an pour atteindre un objectif crucial : mobiliser 20 milliards de dollars par an d’aide publique au développement pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité. Selon l’OCDE, le monde est encore à 23 % de cet objectif d’ici à fin 2025. Le Fonds-cadre mondial pour la biodiversité (GBFF), créé par le Fonds pour l’environnement mondial, et le Fonds pour la biodiversité de Kunming (KBF), créé par la Chine, tous deux lancés l’année dernière, représentent une avancée significative. Mais peu de pays et aucun secteur privé ou organisation philanthropique n’ont encore engagé les ressources nécessaires pour ces fonds. Ce manque à gagner met en péril l’objectif ambitieux de mobiliser 200 milliards de dollars par an de toutes sources d’ici 2030 pour protéger les écosystèmes de la Terre.

Les négociateurs discuteront de la nécessité ou non d’un nouveau mécanisme de financement mondial pour compléter les mécanismes existants, et examineront diverses options, notamment le secteur privé, les crédits de biodiversité, le financement mixte, les banques multilatérales de développement et d’autres pour combler le déficit de financement.

Peuples autochtones et communautés locales : gardiens de la biodiversité.

L’implication des peuples autochtones et des communautés locales dans la conservation de la biodiversité est une pierre angulaire de la CDB. Leurs connaissances traditionnelles, leurs pratiques et leur lien profond avec la terre en font des alliés précieux dans l’effort mondial de protection des écosystèmes.

L’objectif du KMGBF de protéger 30 % des terres et des eaux de la planète d’ici 2030 est essentiel pour préserver la nature et l’avenir de l’humanité. Mais au-delà des zones protégées par l’État, la clé pour atteindre cet objectif réside dans la reconnaissance des droits et des contributions des peuples autochtones et des communautés locales, qui préservent déjà des parties importantes de la planète.

Lors de la COP 15, les Parties ont convenu d’élaborer un nouveau programme de travail visant à assurer la pleine participation de ces groupes à la réalisation des objectifs du KMGBF. Lors de la COP 16, des décisions cruciales seront prises concernant les arrangements institutionnels nécessaires à la réalisation de cet objectif.

Plusieurs options sont envisageables, notamment la création d’un organe subsidiaire permanent ou le maintien du Groupe de travail existant, mais avec un mandat révisé. Quelle que soit la décision, il est clair que les peuples autochtones et les communautés locales doivent jouer un rôle central dans la gouvernance de la biodiversité. Leur connaissance des pratiques durables, telles que les utilisations coutumières des ressources biologiques, offre des enseignements en matière de résilience et de conservation qui sont de plus en plus essentiels face au changement climatique et à la dégradation de l’environnement.

Changement climatique et biodiversité

Le changement climatique et la perte de biodiversité sont les deux faces d’une même médaille. La dégradation des écosystèmes due à la hausse des températures, aux changements climatiques, aux changements d’affectation des sols et aux espèces invasives entraîne une diminution de la biodiversité. À l’inverse, les écosystèmes sains agissent comme des tampons contre le changement climatique, en absorbant le carbone et en offrant une résilience face aux phénomènes météorologiques extrêmes. Les délégués à la COP 16 disposeront des données scientifiques et techniques les plus récentes sur la relation entre biodiversité et changement climatique, notamment les conclusions du 6e rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

La question est désormais de savoir comment mieux intégrer la conservation de la biodiversité et les stratégies d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Les approches écosystémiques de la résilience climatique gagnent du terrain, mais il reste encore beaucoup à faire pour les intégrer dans les politiques et les pratiques courantes. La COP 16 représente un tournant décisif pour combler le fossé entre la biodiversité et les objectifs climatiques.

Biodiversité et santé

Lors de la COP 16, la relation entre biodiversité et santé sera au cœur des débats alors que les délégués examineront un plan d’action mondial qui intègre ces liens dans les politiques nationales tout en soutenant la mise en œuvre du Cadre et des objectifs de la Convention.

La perte de biodiversité est liée à l’augmentation des maladies zoonotiques, à l’insécurité alimentaire et à la dégradation des écosystèmes. À l’inverse, des écosystèmes sains fournissent des services essentiels à la santé humaine, de l’air et de l’eau propres aux plantes médicinales. S’attaquer au lien entre biodiversité et santé n’est pas seulement un impératif moral, mais aussi économique, car la dégradation de l’environnement contribue de manière significative à la charge mondiale de morbidité.

Espèces exotiques envahissantes : une menace mondiale

Les espèces exotiques envahissantes (EEE) sont l’un des principaux facteurs de perte de biodiversité. La COP 16 examinera les informations scientifiques actualisées de l’IPBES sur la gestion et le contrôle de leur propagation. Ces espèces, introduites dans des écosystèmes où elles n’ont ni prédateurs ni moyens de contrôle naturels, font des ravages sur la biodiversité et les systèmes agricoles. Les orientations volontaires élaborées par l’Organe subsidiaire de conseil scientifique, technique et technologique (SBSTTA) de la CDB offriront aux Parties les outils dont elles ont besoin pour lutter contre les EEE dans le contexte du changement climatique.

Les espèces envahissantes exotiques envahissantes constituent un problème transversal qui touche toutes les régions et tous les écosystèmes. La COP 16 mettra donc l’accent sur la nécessité d’une coopération mondiale pour lutter contre ce problème. Le changement climatique exacerbant la propagation des espèces envahissantes, il est urgent d’agir pour prévenir de nouveaux dommages écologiques.

Évaluation et gestion des risques : un tournant dans la réglementation des organismes vivants modifiés

Alors que les progrès scientifiques continuent de s’accélérer, la communauté internationale se trouve à un tournant dans la réglementation des organismes vivants modifiés (OVM), en particulier ceux qui contiennent des gènes génétiquement modifiés. Ces technologies ont le potentiel de révolutionner des domaines comme l’agriculture et la santé publique, en offrant des solutions à des problèmes tels que les espèces invasives ou les maladies transmises par les moustiques. Cependant, elles présentent également des risques importants pour la biodiversité et la santé humaine, risques qu’il convient d’évaluer soigneusement avant de se lancer dans une telle aventure.

À Cali, une étape cruciale sera franchie en vue de fournir les outils nécessaires pour évaluer et gérer les risques posés par ces OVM. Le Protocole de Carthagène sur la biosécurité, un traité historique visant à protéger la biodiversité contre les dangers potentiels du génie génétique, envisagera de nouvelles orientations volontaires sur l’évaluation des risques liés au forçage génétique. Ces orientations, élaborées grâce à une vaste collaboration d’experts, offrent aux pays un moyen de prendre des décisions éclairées.

Les outils de forçage génétique, qui permettent de transmettre des caractères génétiques modifiés à des populations entières d’espèces, sont très prometteurs, mais ils ont aussi des conséquences imprévisibles pour les écosystèmes. Comment pouvons-nous garantir que l’introduction d’un outil aussi puissant ne perturbera pas par inadvertance les équilibres environnementaux fragiles ? Les lignes directrices volontaires en discussion visent à fournir une base pour répondre à cette question.

En outre, les discussions reprendront sur les risques liés aux poissons vivants modifiés, en envisageant des orientations similaires pour des évaluations complètes des risques liés à diverses formes de modification génétique. À l’aube de cette nouvelle ère de la biotechnologie, une réglementation réfléchie et fondée sur la science sera essentielle. Les décisions prises dans ces forums mondiaux détermineront si ces innovations peuvent réellement bénéficier à l’humanité sans mettre en péril la biodiversité qui soutient la vie sur Terre.

Biodiversité marine et côtière : préserver nos océans

Les océans couvrent plus de 70 % de la surface de la Terre et abritent une étonnante diversité de vie. Pourtant, les écosystèmes marins et côtiers subissent une pression immense en raison de la surpêche, de la pollution et du changement climatique. Lors de la COP 16, les Parties discuteront des moyens de mieux protéger ces écosystèmes vitaux, en se concentrant sur l’identification des zones marines d’importance écologique et sur le renforcement de la coopération mondiale pour stimuler la ratification du nouvel Accord des Nations Unies sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones situées au-delà de la juridiction nationale (Accord BBNJ).

La santé de nos océans n’est pas seulement une préoccupation environnementale : c’est une question de survie pour des millions de personnes qui dépendent des ressources marines pour leur subsistance. La gestion durable de la biodiversité marine est essentielle pour atteindre les objectifs du KMGBF et les Objectifs de développement durable (ODD).

« Pour que l’humanité puisse prospérer, la nature doit s’épanouir. La destruction de la nature attise les conflits, la faim et les maladies, alimente la pauvreté, les inégalités et la crise climatique, et porte atteinte au développement durable, aux emplois verts, au patrimoine culturel et au PIB. Le Cadre mondial pour la biodiversité promet de repenser les relations avec la Terre et ses écosystèmes. Mais nous ne sommes pas sur la bonne voie. Votre tâche lors de cette COP est de passer des paroles aux actes. »

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres : « La Colombie, en tant que pays hôte de la COP16, espère que cette COP sera la COP de mise en œuvre, au cours de laquelle des actions concrètes pourront être articulées pour la réalisation du Cadre mondial de Kunming Montréal, et que la conservation et la protection de la biodiversité pourront être placées au même niveau que la décarbonisation et la transition énergétique. De plus, pour nous, il est essentiel qu’il s’agisse d’une plateforme permettant aux peuples autochtones, aux communautés locales et à tous les secteurs de la société de se sentir représentés et entendus dans leur rôle crucial dans la paix avec la nature. »

Pour Susana Muhamad, ministre colombienne de l’environnement, nouvelle présidente de la COP16 : « La communauté internationale doit saisir cette occasion pour veiller à ce que la biodiversité soit non seulement préservée, mais aussi restaurée et valorisée pour le rôle crucial qu’elle joue dans le maintien de la vie sur Terre. La COP 16 est le moment de passer des paroles aux actes. L’avenir de la vie sur notre planète en dépend.»

De son côté la Secrétaire exécutive de la CBD, Astrid Schomaker, « Tous les regards seront tournés vers Cali à l’occasion du lancement de la #COP16Colombia sous le thème #PeaceWithNature. Ce sera un moment clé pour traduire les engagements du Cadre mondial de biodiversité Kunming-Montréal en actions concrètes.