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Isto Keira, se souvenir pour l’avenir ou l’œuvre d’une vie

L’homme est toujours précédé par sa réputation qui le suit comme son ombre et donne une idée même vague de sa nature, de sa personnalité et de ses dimensions. J’ai entendu parler de Fodéba Isto Keira, très tôt, car son nom a toujours retenti dans la cité, est familier à tous, il ne passe pas inaperçu, avant même d’avoir eu la chance de le rencontrer et l’honneur de partager quelques moments de sa vie, loin d’être terne et quelconque.

S’il a fait ses armes dans l’art et la culture chevillée à son âme, il a fait ses preuves ailleurs aussi, car il a bien embrassé d’autres domaines de la vie et a brillé dans l’administration publique de même qu’il a une fibre politique évidente et une vocation naturelle à servir. Il s’est toujours montré utile à lui-même et aux autres, très indépendant, libre d’esprit et profondément humaniste.

Il a le mérite de n’avoir jamais cédé à la vanité des enfants « de grandes familles et gâtés » peut s’enorgueillir, à juste raison, de n’avoir pas choisi le chemin de la facilité et des raccourcis, pour compter et exister, bien que né avec une « cuillère en or dans la bouche » dans un univers où rien n’est interdit à personne.

Isto est aussi bien à l’aise et chez lui dans les quartiers populaires auprès des gens modestes et déshérités que Keira est à sa place parmi les élites et les personnes servies par la nature et gâtées par le sort. C’est pourquoi, ce personnage « tout terrain » ne peut qu’aimer chacun de bon cœur et personne ne peut le détester sans avoir l’air ridicule et exaspérer la majorité acquise à sa cause.

En 2008, quand la Providence a fait de moi, grâce au défunt Président de la République, le Général Lansana Conté qui rappelle que l’homme doit rester humble lorsqu’il arrive au sommet et se retrouve au-dessus des autres, ministre des Télécommunications, de l’Information et des Nouvelles Technologies, Isto a fait partie de mes meilleurs collaborateurs et partenaires de confiance, comme Directeur Général de l’OGP.

Il était très proche du palais et extrêmement influent dans le régime mais il ne s’en était jamais prévalu pour manquer aux obligations de sa charge ou piétiner les plus faibles. Nos chemins se sont encore croisés dans la transition qui avait suivi la mort du Général et la fin brutale de son régime dans le CNDD autour de son président, le capitaine Moussa Dadis Camara. Isto Keira était l’un des ministres que le Capitaine admirait pour sa détermination à bien accomplir sa mission, son courage dans les épreuves.

Le ministre qu’il a été, plus d’une fois, peut se démarquer si nécessaire, mais l’homme qu’il demeure ne trahit pas ses engagements, ne se dérobe de ses responsabilités, ni n’accepte de se renier, en cas de revers de fortune, comme cela arrive souvent dans une société aussi changeante que la météo, variable que les saisons.

Le hasard de la vie, les aléas de la politique ont encore rapproché Isto et moi, car tous les deux, lui, après une terrible traversée du désert, moi, à la suite d’un exil forcé, nous avons été nommés par le professeur Alpha Condé à différentes fonctions que nous avons gardées jusqu’au moment où l’opposant historique devenu Chef de l’État de son pays a été victime d’un coup d’État , arrivé contre toute attente et vécu dans un certain dépit et une grande frustration.

Je pourrai témoigner d’autres événements dans la vie de Isto et relater certaines anecdotes de notre relation, mais il faudra remonter très loin dans le temps et le revisiter, se débattre avec une mémoire bigarrée, tant il y a des ombres, mystères et lumières dans son parcours jalonné de succès, contrarié parfois aussi, dans son pays où le talent ne s’affirme pas longtemps, la compétence ne survit pas aux vicissitudes du temps, aux soubresauts du changement.

Je retiens, simplement que nous fûmes toujours ensemble aussi bien pendant les périodes fastes si euphoriques que lors des difficultés si avilissantes dans un pays où on est ami que pour le meilleur, le pire ayant le don de rompre les liens les plus étroits et les plus anciens aussi.

Je félicite, Fodeba Isto Keira qui, de tout temps, s’assume pleinement et n’a pas peur de s’engager dans le débat public pour défendre ses convictions et exprimer ses opinions, d’avoir pris l’initiative d’écrire son histoire, de témoigner de sa vie.

Il a des années d’expérience féconde et une vie bien remplie et enviable pour se permettre de s’adresser aux autres avec la légitimité et l’autorité de celui qui a appris, a vécu, assez dans la plénitude pour ne pas avoir à s’inventer une histoire, ou à devoir forcer le destin pour marquer le temps et s’imposer dans les mémoires.

Il n’a pas vécu, inutile, il s’immortalise avec une œuvre qui est certes une saga personnelle mais restera gravée dans le temps, sera le lien inaltérable avec d’autres générations.

 

Tibou Kamara