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Guinée :  « Au sein de KP, la transition énergétique reste au cœur de notre stratégie de développement »

De simple vendeur de cartes de crédit téléphonique à cofondateur d’une entreprise pétrolière à succès, l’ingénieur guinéen Louis Camara a connu une ascension fulgurante. Tour d’horizon de la santé de son secteur d’activité et de son entreprise, Kamsar Petroleum, devenue KP.

Aux manettes de Kamsar Petroleum, entreprise cofondée en 2015 avec le trader franco-sénégalais Mohamed Julien Ndao et récemment rebaptisée KP, Louis Camara pilote la montée en puissance du spécialiste de la distribution des produits pétroliers raffinés en Guinée. Malgré la crise qui a secoué le secteur, au lendemain de l’incendie dans le principal dépôt d’hydrocarbures du pays, le dirigeant a réussi à doubler le chiffre d’affaires de l’entreprise en deux ans.

Promu vice-président en charge des Hydrocarbures par la Confédération générale des entreprises de Guinée, l’ingénieur, également actif dans les secteurs minier et sportif, veut rassembler tous les acteurs pétroliers locaux autour de la table pour parler d’une même voix. Le businessman guinéen – qui a entamé son aventure entrepreneuriale dans la vente des cartes de crédit téléphonique avec seulement 35 euros – lève le voile sur la stratégie d’expansion de KP, ses ambitions ouest-africaines et celles du secteur en Guinée.

Jeune Afrique : De Kamsar Petroleum à KP, que faut-il lire dans cette nouvelle identité ?

Notre entreprise porte initialement le nom de la ville de Kamsar. Cette particularité risquait d’induire nos clients en erreur en se disant que le groupe est actif uniquement dans cette ville, alors que nous disposons d’une licence pour opérer sur le territoire national. À l’initiative de notre département stratégie nous avons décidé d’abréger le nom de la société, comme ce fut le cas pour British Petroleum, rebaptisé BP, et opter pour KP. Avec l’abréviation du nom, nous avons également changé de logo pour accompagner notre montée en régime, d’abord en Guinée et ensuite dans la sous-région.

L’immense incendie dans le principal dépôt d’hydrocarbures du pays a-t-il eu un impact sur l’exécution de vos projets ?

Ce drame dans le secteur pétrolier a affecté nos capacités de stockage du carburant. Personne ne s’attendait à cette crise qui a frappé de plein fouet tous les distributeurs guinéens et étrangers. Face à de telles situations, il faut faire preuve de résilience et œuvrer pour arrêter l’hémorragie. Alors que les autorités guinéennes ont déployé des efforts considérables pour remonter la pente, nous avons décidé d’augmenter notre flotte de 40 camions-citernes, passés d’une capacité de 40 000 litres chacun à 60 000. Ils pourront stocker les produits pétroliers raffinés et les distribuer dans le marché : nos clients B to B, mais surtout la population. Ce choix s’est révélé gagnant car il nous a permis de réaliser une augmentation de notre chiffre d’affaires, évalué aujourd’hui à 55 millions de dollars, contre 20 millions de dollars il y a deux ans.

Face à des multinationales comme TotalEnergies et Vivo Energy, comment comptez-vous concrétiser votre montée en régime en Guinée ?

Certes, nous évoluons dans un secteur où la concurrence est le maître-mot, mais nous diversifions notre stratégie pour pouvoir tirer notre épingle du jeu et glaner de nouvelles parts de marché. Que ce soit avec nos clients B to B ou avec nos réseaux de stations-service, la stratégie de distribution doit être finement élaborée pour garantir une croissance continue de l’entreprise.

Aujourd’hui, nous continuons de renforcer notre portefeuille clients B to B – qui représente environ 30% de notre chiffre d’affaires – en signant des contrats avec les opérateurs miniers, les pêcheurs et les diverses unités industrielles en Guinée. En parallèle, avec les 19 stations-service KP, nous travaillons avec dix opérateurs indépendants, en possession de leurs propres installations, mais qui distribuent les produits pétroliers raffinés sous nos couleurs. Quant aux nouvelles ouvertures de stations-service, nous visons des emplacements stratégiques à travers le pays, où le trafic se fait sentir pour faire plus de volume.

À combien comptez-vous porter le nombre de stations-service KP ?

Notre groupe est actuellement en pleine expansion et pour avoir une meilleure empreinte sur le marché local, nous visons de porter le nombre des stations-service KP à 100 installations sur toute l’étendue du territoire national à l’horizon 2027. Ce dispositif est renforcé par deux partenariats. Le premier signé avec Orange Money pour faciliter le paiement du carburant dans nos différentes stations-service via ce service de paiement mobile, tandis que le deuxième accord a été conclu avec la Banque islamique de Guinée (BIG). Pour chaque nouvelle installation que nous allons construire, la banque ouvrira une agence incorporée dans la station. Cela permet non seulement de sécuriser tous nos fonds mais aussi de créer la proximité et gagner du temps aux clients BIG qui viennent s’approvisionner en carburant.

Qu’en est-il de vos objectifs ouest-africains ?

Nous sommes actuellement en discussion pour obtenir des licences d’exploitation dans deux nouveaux marchés de la sous-région. L’identité de ces deux pays sera révélée lors de la finalisation des accords et le lancement des nouvelles installations. L’opération se fera simultanément au déploiement de nos stations-service en Guinée. Une fois ces deux étapes importantes franchies, nous allons stopper nos investissements pour rester concentrer sur l’optimisation de l’exploitation.

KP nourrit également des ambitions dans les énergies renouvelables. Où en-êtes vous de vos divers projets ?

Nous avons entamé un premier projet de construction de centrale solaire avec un partenaire financier étranger, mais faute de capacité de stockage et de potentiels acheteurs d’électricité le chantier reste actuellement en stand-by. Au sein de KP, la transition énergétique reste au cœur de notre stratégie de développement. Conscients de l’intérêt croissant pour les véhicules électriques – qui vont dans les prochaines années rivaliser avec les voitures thermiques en Afrique subsaharienne– nous comptons anticiper cette révolution à venir. Notre entreprise installera des panneaux photovoltaïques dans nos stations-service pour alimenter les bornes électriques indispensables au chargement des véhicules du futur.

Au-delà de vos activités dans le secteur pétrolier, vous dirigez une entreprise minière et un club de football. Parviendrez-vous à trouver un équilibre entre toutes ces activités ?

Le pétrole et les mines sont deux business complètement différents. Ingénieur minier de formation, je m’y suis d’abord intéressé à travers l’exploitation d’une carrière de granit, indispensable pour la construction des grands projets. Quant au football, ma volonté de diriger l’AS Mineurs de Sangarédi est de redonner à ce club – de la ville où j’ai grandi – sa notoriété d’antan. Nous avons réussi progressivement à retrouver l’élite et à remporter la coupe de la ligue guinéenne de football professionnel en 2023. Maintenant, le football reste une passion. Certes, elle me prend pas mal de temps, mais la priorité est accordée à ma vie professionnelle. « Business first, football later », car si vous n’êtes pas bien organisé, vous risquez finalement de vous embrouiller et la passion prendra le devant sur le business. Ensuite, vous vous retrouvez dos au mur.

Interview réalisée par Jeune Afrique