La justice tunisienne a décidé dimanche le placement en détention de deux chroniqueurs pour des critiques sur la situation du pays, au lendemain de l’arrestation musclée d’une avocate et chroniqueuse poursuivie pour des motifs similaires, a appris l’AFP auprès d’un avocat.
Interpellés samedi soir, Borhen Bssais, présentateur à la télévision et à la radio et Mourad Zeghidi, chroniqueur, et « font l’objet d’un mandat de dépôt de 48 heures », selon l’avocat Ghazi Mrabet.
« Ils devront comparaître devant un juge d’instruction », a-t-il ajouté à l’AFP.
Selon l’avocat, M. Zeghidi est poursuivi « pour une publication sur les réseaux sociaux dans laquelle il soutenait un journaliste arrêté (Mohamed Boughalleb, condamné à 6 mois de prison pour diffamation d’une fonctionnaire, ndlr) et des déclarations lors d’émissions télévisées depuis février ».
Zeghidi est commentateur politique à la télévision et travaille avec Borhen Bssais, qui présente des programmes sur des chaînes de radio et télévision privées.
Les motivations exactes de l’arrestation de M. Bssais ne sont pas établies mais selon l’avocat, il aurait été arrêté aussi en vertu de l’article 54, promulgué en septembre 2022 par le président tunisien Kais Saied pour réprimer la production et diffusion de « fausses nouvelles » mais critiqué par les défenseurs des droits humains car sujet à des interprétations très larges.
En un an et demi, plus de 60 personnes parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants à M. Saied — auteur d’un coup de force en juillet 2021 par lequel il s’est octroyé les pleins pouvoirs — ont fait l’objet de poursuites sur la base de ce texte, selon le Syndicat national des journalistes.
C’est en vertu du même décret 54 que l’avocate Sonia Dahmani fait l’objet de poursuites et a été arrêtée samedi soir alors qu’elle s’était réfugiée à la Maison des avocats. La scène a été filmée en direct par une équipe de la télévision publique française France 24 mais a été interrompue par l’intervention de policiers encagoulés.
L’Ordre national des avocats a condamné devant la presse samedi soir ce qu’elle a décrit comme « une invasion (de son siège) et une agression flagrante », exigeant la libération immédiate de Mme Dahmani et annonçant une grève régionale à partir de lundi.
Avec AFP