La junte militaire au pouvoir se livre de plus en plus aux atrocités contre les médias africains et étrangers au Burkina Faso. Dans l’espace de 48 heures les putschistes ont suspendu 9 organes de presse en ligne dénombrant ainsi à 13 médias n’ayant plus droit de cité dans le pays .
Pour Reporters sans frontières ‘’la liberté de la presse en berne au Burkina Faso’’. Après les médias BBC et Voice of America, les autorités du Burkina Faso viennent de suspendre la chaîne de télévision TV5Monde et l’accès à son site Internet, ainsi qu’à à ceux de six autres médias internationaux : Deutsche Welle, Ouest-France, Le Monde, Apanews, The Guardian, et Agence Ecofin. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des décisions graves et abusives, illustrant une dégradation inquiétante de la liberté de la presse.
Divulguer des informations d’intérêt général et les partager est désormais passible de censure au Burkina Faso. Le Conseil supérieur de la communication (CSC), l’organe de régulation des médias, a informé via un communiqué du 27 avril, avoir suspendu la diffusion des programmes de la chaîne TV5 Monde pour deux semaines. Le portail d’information en ligne du média aussi est désormais hors d’accès jusqu’à nouvel ordre. Les autorités lui reproche d’avoir relayé le rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW), concernant l’exécution présumée d’au moins 223 civils dont au moins 56 enfants, dans deux villages le 25 février par l’armée.
Les sites web des médias Deutsche Welle, The Guardian, Ouest-France, et Le Monde, de l’Agence de Presse Africaine et de l’agence Ecofin sont également hors d’accès jusqu’à nouvel ordre pour avoir aussi diffusé le contenu du rapport de l’ONG de défense des droits humains. Deux jours auparavant, pour les mêmes raisons, les chaînes de télévision BBC et Voice of America ont été suspendues par la junte au pouvoir. Ce sont donc désormais 13 médias qui ne sont plus accessibles dans le pays.
“Cela fait près d’une dizaine de suspensions de médias en 48 heures. Un nombre effarant qui montre jusqu’où les autorités peuvent aller dans la violation du droit à l’information. RSF dénonce des décisions graves et abusives et rappelle aux autorités que la diffusion d’informations d’intérêt général sur la situation sécuritaire du pays ne doit pas être le prétexte aux pires attaques enregistrées contre les médias ces derniers mois. Nous les appelons à annuler ces décisions et à lever immédiatement le blocage de l’accès aux sites Internet de tous les médias ciblés, afin de permettre aux populations d’accéder à une information plurielle.”
Pour Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, « Le Conseil supérieur de la communication dénonce dans son communiqué des déclarations “péremptoires et tendancieuses contre l’armée burkinabè, sans précaution aucune », ce qui « constitue une désinformation de nature à porter le discrédit sur l’armée burkinabè ». De son côté, la direction de TV5 Monde s’est dit étonnée en déplorant la “suspension temporaire de ses programmes au Burkina Faso ainsi que la suspension de l’accès à ses sites web, sans avoir été saisi au préalable. » TV5 Monde précise que les informations de sa rédaction ont été données « selon les règles journalistiques les plus rigoureuses et avec les précautions d’usage. Les autorités du Burkina Faso ont pu y exprimer leur point de vue ».
Pression sur la presse étrangère…
La junte militaire, au pouvoir depuis le coup d’État de septembre 2022 dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré, mène une politique de plus en plus répressive et hostile à l’égard des médias, particulièrement des médias étrangers. Depuis l’arrivée des nouvelles autorités de transition, l’antenne de Radio France Internationale (RFI) a été suspendue « jusqu’à nouvel ordre » en décembre 2022, la chaîne francophone d’information France 24 a subi le même sort en mars 2023, la chaîne française d’information continue LCI a été interrompue pendant trois mois en juillet de la même année, et le média d’actualité francophone Jeune Afrique a été suspendu en septembre dernier.
Ces médias ont en commun d’avoir abordé des sujets liés à la lutte contre le terrorisme dans le pays ou à la présence de tensions au sein de l’armée burkinabè. Le 31 août dernier, le capitaine Ibrahim Traoré a annoncé au micro de la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB) qu’il fermerait les médias qui “font la propagande de l’ennemi”, souhaitant imposer un traitement « patriotique » de l’information.
Les journalistes Sophie Douce et Agnès Faivre, respectivement correspondantes du Monde Afrique et de Libération, ont quant à elles été expulsées du pays début avril 2023 après avoir réalisé une enquête sur des assassinats présumés d’enfants dans un camp militaire.
En novembre 2023, une nouvelle loi inquiétante a complètement réformé la régulation des médias, qui permet au chef de l’État de nommer lui-même le président du CSC.
Mais les médias locaux n’en restent pas épargné de cette dérive autoritaire
La presse burkinabè, qui oscille entre répression médiatique et asphyxie économique, n’est pas en reste. L’armée a ainsi réquisitionné deux journalistes critiques du pouvoir pour la lutte contre le terrorisme en novembre 2023, alors que la radio Oméga a vu son signal coupé par les autorités durant 30 jours à partir du 10 août 2023 pour avoir diffusé l’interview d’un opposant à la junte nigérienne. Dernièrement, les locaux du groupe de presse Savane, dont la radio Savane FM est la plus écoutée du pays, ont été mis sous scellés pour impayés d’impôts le 24 avril. Une fermeture regrettée par les organisations professionnelles des médias.
Le Burkina Faso occupe la 58e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.
Afriquevision avec RSF