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Procès climatique : que visent les critiques contre les actions en faveur de l’écologie ?

Analyse critique d’un article The Conversation. Dans le monde, de plus en plus, des entreprises qu’elles soient grandes ou à taille moyenne se livrent à des pratiques non soutenables. Pollution de l’air, du sol, de l’eau, déforestation, émission à outrance de gaz à effet de serre, etc.. voilà autant de pratiques qui conduisent à une destruction de l’environnement et à un réchauffement climatique effréné.

Mais face à cette situation critique pour la planète, de nombreuses organisations non gouvernementales tentent d’utiliser les moyens du bord pour dissuader ces entreprises à la fois créatrices de croissance et destructrices des écosystèmes de mettre fin à ces méthodes de travail.

Dans cet article du journal The Conversation, intitulé « Procès climatiques : attaquer les multinationales en justice, est-ce vraiment utile ? » l’auteur s’interroge sur l’utilité pour des ONG et associations de trainer les grandes entreprises devant les tribunaux. Mais la manière de traiter le sujet dans cet article, qui est à la fois climatique et juridique, semble être tendancieux et non exhaustif dans sa narration des faits.

D’abord dans l’accroche, l’auteur dépeint les échecs juridico-climatiques enregistrés par les défenseurs de la planète pendant le mois de février en Allemagne et en France. Une manière de remettre en cause le noble combat que mène les militants écologistes. Alors qu’il aurait dû mettre en lumière l’enjeu derrière cette lutte féroce contre des prédateurs de l’environnement.

Le texte ne met pas non plus en exergue ce que ces procès climatiques ont engendré depuis le début de cette guerre climatique. Comme, par exemple, la dégradation de l’image de ces multinationales, le retrait de certains partenaires techniques et financiers dans les différents projets non conformes aux normes environnementales. En 2018 par exemple, l’ONG Human Right Watch avait annoncé une plainte contre la compagnie de bauxite de Guinée pour outrage à l’environnement dans son projet d’extension de ses activités, financé par un consortium de banques européennes (Crédit Agricole, BNP Paribas, Société Générale, etc..). Après la publication de l’enquête, les banques avaient annoncées qu’elles ne connaissaient pas cette violation des normes écologiques et que si la multinationale ne corrigeait pas cette défaillance, elles se retireraient du projet.

Certaines informations données par l’auteur sur l’impact négatif du projet pétrolier EACOP et Tilenga de Total Énergie en Ouganda et Tanzanie en Afrique de l’Est sont erronées et ne sont pas sourcées. Contrairement ce que l’auteur mentionne, ce projet du géant français de l’énergie, va émettre 34 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an, selon un rapport les Amis de la Terre et non 30 millions.

L’auteur révèle que sur une cinquantaine de procès climatiques seul un a réussi. Il s’agit de l’affaire qui opposait Shell et l’Association de protection de l’environnement Milieudefensie au tribunal de La Haye au Pays-Bas en mai 2021, à l’issue de laquelle l’entreprise avait été condamnée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 45% avant la fin 2030. En revanche, le texte n’évoque pas le caractère dissuasif de ces affaires judiciaires et la difficulté pour certaines entreprises à trouver des financements auprès des banques par le fait qu’elles sont en procès ou ne respectent pas la législation climatique.

Même si les procès n’ont pas aboutit à des condamnations classiques comme le veulent les organisations de défense de l’environnement, ils ont tout de même joué un rôle de décrédibilisation de ces multinationales.

Le but inavoué de cet article, cest de mettre un frein aux procès climatiques et d’inviter les ONG et associations à opter pour d’autres voies pour stopper les entreprises émettrices de CO2. Et pourtant,

au rythme où vont les choses, il convient d’utiliser toutes les possibilités disponibles pour arrêter les grands groupes et multinationales dans leur aventure de dérèglement du climat.

Quant à la qualité de la vulgarisation, on constate que l’auteur n’attribue pas une valeur exacte aux procès climatiques intentés contre ces entreprises. De plus, il se focalise uniquement sur l’angle de la défaite des actions juridico-climatiques. Le principe voudrait qu’il donne la parole aux militants écologistes concernés dans ces affaires, à des scientifiques et à des spécialistes ou qu’il décrive l’impact négatif que les entreprises ont enregistré suite aux procès.

Certes, l’article se pose des questions sur la valeur ajoutée de ces procès par rapport à la lutte contre le réchauffement climatique, mais cela ne devrait pas remettre en cause le caractère dissuasif de ces initiatives. La pression doit être intense et constante.

À la place de l’auteur, on aurait pu montrer que l’aspect judiciaire est fondamental dans cette situation dégradante du climat. On aurait aussi pu insister sur l’aspect formateur du corps judiciaire et l’implication des États dans la criminalisation des atteintes à l’environnement. C’était aussi l’occasion de dire que les échecs des procès climatiques sont à imputer aux juridictions qui parfois se retrouvent face à une jurisprudence ou dans une incapacité à prendre des décisions audacieuses en faveur de la planète.

Ce n’est nullement la faute des plaignants, c’est plutôt les pays dont les lois ne sont pas en adéquation avec la nouvelle donne environnementale. C’est surtout sur ce point qu’il faut insister et interpeller les gouvernants pour qu’ils changent de paradigme étant donné la crise environnementale actuelle, pour qu’ils inversent la tendance à la lourdeur et à l’inertie juridique, pour qu’ils s’attachent à l’application stricte des décisions rendues. Quoi qu’on en dise, les campagnes médiatiques jouent un rôle important dans la notoriété de ces entreprises, et par ricochet égratignent leur image. Voilà autant de points qu’on aurait mis en avant, en lieu et place de vilipender les meneurs de lutte.

L’article a été repris ou republié dans d’autres médias, comme Le Journal du Dimanche, avec les mêmes contextes et formes, mais avec une légère différence dans les journaux La Tribune et La Tolérance, qui ajoutent ceci dans leur accroche « Si de récents exemples semblent décourager de telles initiatives, elles sont loin d’être inutiles, ne serait-ce que sur le plan de la mobilisation médiatique. »

 

Mamadou DIALLO, Journaliste

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