Tribune. Pour beaucoup l’heure du réveil a sonné. C’est sans compter cette majorité à bout d’espoir pour qui, en Guinée si nombre de religieux prennent souvent la parole pour prôner la paix, ils ne sont pas encore tentés de rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. Les auteurs de cette pensée féconde reprochent ainsi aux leaders religieux de ne pas faire assez pour interpeller les magistrats en tant que régulateurs des normes sociales à faire preuve de discernement et de professionnalisme dans la conduite des affaires judiciaires.
Ce, dans un pays à dominance politique avec un exécutif qui semble jouer les arbitres presque dans tous les dossiers. Mais il convient de rappeler qu’au pays de Sékou Touré, la religion a été dès le début un levier du pouvoir politique. « La religion est l’opinium du peuple c’est un poison qui endort la conscience humaine », disait Karl Marx. Conscient du rôle et de la place qu’occupe la religion dans la société, l’exécutif s’est dans nombre des cas, appuyé sur la religion pour s’assurer les bons soins du peuple souvent condamné à accepter ’’la volonté de Dieu” dès lors que l’imam le plus écouté en a fait son sermon du jour dicté pour la plupart du temps par l’instance dont il relève et qui est aussi sur tous les fronts pour asseoir la même conviction que lui commande à son tour les sommités d’une manière générale.
Telle est la genèse du problème et le résoudre n’est pas pour demain. Il y a cependant des alternatives à tout, à chaque problème sa solution, à chaque mal son remède et à chaque maladie son traitement d’appoint. Même si dans notre pays, la religion semble phagocytée par l’exécutif, il est clair comme l’eau de Roche que la force des religions surtout monothéistes telles qu’elles nous ont été révélées, réside dans le fait de la justesse et des nobles causes.
En aucun cas, sous le prisme du fatalisme, elles n’ont été faites pour dresser une entité contre d’autres ou amener ces dernières à accepter d’emblée, leur sort. Chaque religion porte des valeurs et réprouve la déviance. Partant de ce constat, il y a de ces imams qui se démarquent, après avoir longtemps hypnotisé les fidèles dans un sens par leur sermon de bienséance, ils commencent à prendre goût ailleurs. Ils sont les mieux placés et certains profitent désormais de leur tribune pour rappeler le besoin permanent de bâtir une justice juste et interpeller les hommes en robe afin qu’il agissent en conséquence sans atermoiements ni illusion ou autre injonction dans leur travail quotidien.
Interpellé sur la lenteur des procès et le maintien en détention des opposants politiques au-delà des délais requis, le premier imam de la mosquée de Nongo n’est pas passé récemment du dos de la cuillère « C’est une manière de dire que la justice n’a pas encore fait son travail… Comment une justice honnête peut garder les gens jusqu’à huit mois sans jugement ? Si notre justice était honnête et indépendante, elle n’allait pas garder les gens pendant plusieurs mois sans jugement [ndlr]»
Très direct, ce témoignage est le cri du cœur d’un chef religieux qui appelle au bon sens de la justice guinéenne. Le 20 juillet 2021 à l’occasion de la prière de l’Aid El-Adha, un autre imam non des moindres lui a emboîté le pas :
« À vous les juges, les procureurs, les avocats, craignez Dieu. Faites le jugement comme il le faut. Sachez qu’il y a deux jugements : le jugement d’ici-bas et celui de l’au-delà. Ne prenez pas de l’argent avec les gens pour cacher la vérité. Le salaire qu’on vous donne, je vous prie de vous contenter de ça et de faire votre travail correctement. Mais si vous tombez dans la corruption, vous retirez injustement de l’argent aux gens pour transformer la vérité en mensonge et le mensonge en vérité, vous aurez commis un grand péché. Et vous irez répondre devant Dieu », conseille Elhadj Mohamed Cissé imam de la mosquée de Kebeya (Coleyah) connu également pour son franc parler.
En effet, le tableau n’est pas tout aussi sombre. Parmi ces avocats et juges guinéens, il y a des sommités que je ne saurais tous citer ici. Il me plaît de choisir l’un de ceux qui m’inspirent, Alphonse Charles Wright, ancien juge correctionnel du tribunal de première instance de Kaloum devenu président par intérim du tribunal de première instance de Dubréka :
« On dit que la justice est corrompue, il n’y a pas de corrompu sans corrupteur mais c’est à nous les juges de résister. La loi dit si je dois vous priver de votre liberté, je dois ouvrir mon code comme l’imam ouvre le livre saint ou le prêtre ouvre la bible, pour dire à ses fidèles ce que je dis c’est la parole de l’évangile ou c’est la parole du Coran », a laissé entendre récemment ce magistrat qui a tout l’air d’un homme honnête.
À ces imams et magistrats qui donnent le signal de la vérité et de la justesse, vous faites tant rêver le peuple de Guinée si fier de vous. Le chemin est long et chaque geste d’où qu’il vienne a son prix ici-bas en attendant le GRAND PRIX dans L’AU-DELÀ. À bon entendeur, salut !
Habib THIAM