Face à la recrudescence des violences à l’encontre des opposants depuis la tenue des élections en Guinée, l’Union européenne exprime ses inquiétudes et exige la libération des prisonniers politiques, écroués dans les geôles du régime d’Alpha Condé depuis plusieurs mois. Dans cette lettre ci-dessous, l’institution du vieux continent indique que la situation critique du pays est suivie de près.
Josep Borrell Fontelles
Haut Représentant
Vice-president de la Commission européenne
Brussels, 12/05/2021
A (2021)2800902-2804189
A tous les députés européens signataires de la lettre sur la situation en Guinée,
Chers membres du Parlement européen,
J’ai lu avec beaucoup d’attention votre lettre sur la situation des droits de l’homme en Guinée, cosignée par 32 membres du Parlement européen. Je partage vos préoccupations à bien des égards et l’Union européenne continue de suivre de près cette situation critique, pour laquelle elle est restée constamment engagée et n’a cessé de déployer ses efforts de médiation, notamment en coordination avec la CEDEAO, l’Union africaine et les Nations unies.
Dans la déclaration du 20 mars 2020, l’UE avait déjà mis en garde contre le contexte de polarisation extrême entourant le double scrutin du 22 mars 2020 (élections législatives et référendum constitutionnel) et ne considérait pas que les conditions d’organisation d’un scrutin sérieux et pacifique, dont le résultat pourrait être accepté par tous, étaient réunies. Comme vous le savez, dans ces conditions, l’Union européenne a renoncé à déployer une mission d’experts électoraux.
Dans la déclaration du 26 mars 2020, l’UE a dénoncé le climat de forte tension dans lequel s’est déroulé le double scrutin du 22 mars, entaché de violences ayant fait plusieurs morts, et a jugé inacceptables les actes de violence et l’usage disproportionné de la force par les forces de sécurité. Le caractère non inclusif et non consensuel de ces élections et du registre électoral, qui a porté atteinte à leur crédibilité, a également été dénoncé.
Il a été noté que l’absence d’une mission d’observation régionale et internationale reconnue remettait également en cause la validité du processus, et que les divisions intercommunautaires se creusaient dangereusement.
L’UE a réitéré son soutien aux initiatives de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union africaine et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour réhabiliter le processus électoral, désamorcer les tensions et rétablir un dialogue entre toutes les parties.
De même, dans ma déclaration au nom de l’UE à la veille de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, j’ai indiqué qu’à l’approche du scrutin, l’UE partageait les préoccupations déjà exprimées par les acteurs régionaux et internationaux quant aux conditions de sa préparation.
J’ai appelé à éviter la violence et la détérioration de la situation avant, pendant et après le scrutin et réaffirmé le plein soutien de l’UE à toutes les initiatives de la CEDEAO, de l’Union africaine, des Nations unies et de l’Organisation internationale de la Francophonie pour désamorcer les tensions et rétablir un dialogue entre les parties en vue de renforcer le cadre électoral.
À la suite de l’élection, l’UE a pris note, le 27 octobre 2020, des résultats provisoires annoncés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Toutefois, l’UE a estimé que des questions subsistaient quant à la crédibilité du résultat, questions auxquelles il conviendrait de répondre dans le cadre d’un dialogue inclusif et de la poursuite du processus de validation prévu par la loi. L’UE a condamné une nouvelle fois les violences qui ont causé la mort de nombreuses personnes. Elle a exhorté les autorités à mener des enquêtes indépendantes afin que justice soit rendue dans les meilleurs délais.
Le climat post-électoral est resté tendu. Le 18 décembre 2020 et le 21 janvier 2021, l’UE a déploré la mort de plusieurs militants politiques, M. Mamadou Oury Barry, M. Roger Bamba, qui étaient en détention provisoire à la prison centrale de Conakry, après la mort d’Ibrahima Sow et de Mamadou Lamarana Diallo au cours des mois précédents. L’UE a exhorté les autorités guinéennes à mener une enquête indépendante afin d’élucider les causes de leur décès, rappelant qu’elle considère le respect de l’État de droit comme une priorité du nouveau mandat présidentiel, et demande la libération des prisonniers politiques.
Quant aux auteurs du massacre du 28 septembre 2009, l’UE a toujours exigé qu’ils soient jugés, ce qui n’a malheureusement pas été le cas à ce jour. Cinq personnes impliquées dans le massacre, qualifié de crime contre l’humanité, font l’objet d’un régime de sanctions individuelles de l’UE (interdiction de voyager sur le territoire des États membres de l’UE et gel des avoirs qui y sont détenus). Le renouvellement de ce régime de sanctions sera examiné en septembre 2021.
J’ai demandé au SEAE (Service Européen pour l’Action Extérieure) de poursuivre le dialogue avec les autorités, qui nous ont informés qu’elles seraient disposées à organiser une nouvelle session de dialogue politique avec l’UE (la dernière a eu lieu en janvier 2019). Un tel dialogue serait l’occasion d’aborder les questions de gouvernance et de droits de l’homme en Guinée.
En outre, les autorités ont annoncé que le mécanisme de dialogue entre le gouvernement et l’opposition (opposition parlementaire et ‘’extra-parlementaire’’, y compris l’UFDG de Cellou Dalein Diallo), récemment créé, serait bientôt activé. L’UE suivra et réévaluera la situation à la lumière des développements futurs.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.
Josep Borrell Fontelles