La justice a confié jeudi à un groupe implanté en Guinée l’avenir de l’usine Alteo de Gardanne, leader de l’alumine de spécialité qui cessera de transformer la bauxite, mettant fin à un savoir-faire exploité sur place depuis 1894 et décrié par les défenseurs de l’environnement.
Seul candidat encore en lice lors de la dernière audience le 8 décembre, United Mining Supply (UMS) a vu son plan de continuation de l’usine Alteo validé par le tribunal de commerce de Marseille.
L’usine de Gardanne, un des plus gros employeurs privés de la zone d’Aix-en-Provence, avec quelque 500 salariés et 400 emplois indirects, propriété jusqu’ici du fonds d’investissement américain HIG, avait été placée en redressement judiciaire il y a plus d’un an à la suite d’une baisse des commandes et d’une crise du marché mondial de l’aluminium.
“Le soutien financier de la société UMSI [son nom juridique] en sa qualité de nouvel actionnaire de la SAS Alteo Holding devrait permettre à la SAS Alteo Gardanne de dégager une capacité d’autofinancement suffisante pour lui permettre de faire face aux engagement prévus par le plan” de poursuite, écrit le tribunal dans sa décision consultée par l’AFP.
Ce plan proposé par l’entreprise “permet son redressement et l’apurement de son passif, soit une somme totale déclarée de 156 millions d’euros environ”, détaille le tribunal.
UMS, propriété de l’homme d’affaires franco-libano-guinéen Fadi Wazni, prévoit de reprendre une partie de la dette d’Alteo, et, au terme d’une transition de 12 à 18 mois, l’arrêt de l’importation de bauxite, et donc la transformation de cette matière première utilisée dans la fabrication de l’alumine et entrant dans la composition des écrans de smartphones et employée dans l’industrie automobile.
Il n’importera plus que de la poudre brute d’alumine qu’il raffinera sur place, s’épargnant ainsi de devoir stocker les résidus de bauxite, pointés du doigt par des habitants et des défenseurs de l’environnement.
Tristesse et soulagement
Berceau mondial de la fabrication d’alumine depuis 1894 grâce au procédé inventé par Karl Josef Bayer en 1887, l’usine de Gardanne mettra ainsi fin à 126 ans de savoir-faire, une évolution qui devrait aussi aboutir à la suppression de 98 emplois sur 500, même si UMS assure qu’il tâchera de tendre vers zéro.
“Notre entreprise a de nouveau un avenir, pourtant deux sentiments se confondent: la tristesse de perdre une partie du procédé Bayer, symbole de l’histoire de Gardanne et de l’alumine française et le soulagement d’avoir un repreneur qui permet à Alteo d’avoir un avenir pour l’emploi et l’activité”, a réagi le syndicat Force ouvrière.
Le raffinage de la bauxite, une roche importée notamment de Guinée, était au coeur des tensions avec certains habitants de la commune voisine de Bouc-Bel-Air: chaque année quelque 300.000 tonnes de résidus du minerai rouge étaient entreposés à ciel ouvert sur le site de Mange-Garri, au grand dam de riverains déplorant notamment l’envol des poussières et redoutant la pollution des nappes phréatiques.
Durant des années, l’usine a aussi rejeté ses boues rouges dans la Méditerranée avant de traiter ses rejets liquides.
L’ex-propriétaire des lieux, Rio Tinto qui “a pris acte de la décision” a rappelé qu’il s’était engagé dans le cadre de ce plan de continuation à conserver la “garantie environnementale” prenant en compte les activités de “remédiation et de dépollution” des sites de Gardanne et de Mange-Garri, comme il l’avait conclu lors du rachat par HIG huit ans auparavant.
“Le projet industriel, financé sur des fonds propres, va permettre à l’entreprise de développer un outil de pointe, d’augmenter ses moyens de production, d’accroître sa capacité à trouver de nouveaux clients pour renforcer ses outils de recherche et développement”, assure UMS dans un communiqué.
“Au-delà de la question prioritaire de l’emploi, ce projet de reprise permet également de tourner la page des +boues rouges+, qui avaient durablement entaché l’image d’Alteo ces dernières années”, s’est réjoui Renaud Muselier, président (LR) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. “C’est, au moins sur ce volet, une bonne nouvelle pour la transition environnementale du territoire régional”.
Dans un communiqué, le député aixois François-Michel Lambert (Libertés et Territoires) déplore lui “un gâchis social” et “environnemental”: “Cette pollution qui avait disparu par des innovations techniques (…) va maintenant réapparaître en Afrique”.