Quelque 7,5 millions d’électeurs nigériens sont attendus aux urnes ce dimanche 27 décembre pour les élections présidentielle et législatives. Les 26 000 bureaux de vote ont ouvert aux alentours de 8h avec un léger retard et une trentaine de candidats sont en lice pour succéder à Mahamadou Issoufou. Mohamed Bazoum, du parti au pouvoir, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), est l’un des 30 candidats à se présenter au premier tour ce dimanche.
Samedi 26 décembre, Niamey était calme, avec un peu moins de monde que d’habitude dans les rues puisque certains électeurs ont quitté la capitale et sont partis en région pour pouvoir aller voter là où ils sont inscrits. Ce dimanche, 7,5 millions d’électeurs nigériens sont appelés à retourner aux urnes, deux semaines seulement après avoir voté pour les élections locales.
Devant le bureau de vote de l’école Amirou Djibo de Niamey ce dimanche matin, les électeurs étaient au rendez-vous. Il y avait beaucoup d’affluence et de longues files d’attente étaient visibles devant les bureaux de vote. Une dizaine de bureaux sont installés dans cette école.
Au bureau de vote n°216, par exemple, 410 électeurs sont inscrits. « Ils vont tous passer d’ici la fin de la journée », prédit le président du bureau de vote. L’innovation, cette année, est que tout le matériel de vote a passé la nuit dans les centres, bien gardé par des éléments de la garde nationale. Dans cette école, ce sont donc les gardes nationaux qui assurent la sécurité des élections.
Les délégués des partis politiques sont également présents. Les électeurs sont avec l’index à encre bleue, preuve qu’ils ont voté. Beaucoup d’erreurs constatées lors des anciennes élections municipales du 13 décembre dernier ont été corrigées, selon plusieurs présidents de bureaux de vote. Les partis politiques ont sensibilisé leurs militants pour éviter des votes blancs sur un bulletin unique, qui comporte 30 candidats.
Quelques irrégularités
Des observateurs internationaux et nationaux sont déployés pour ce vote. Parmi eux, l’Observatoire du processus électoral (OPELE) qui regroupe des organisations de la société civile nigérienne et qui a fait un point d’étape, à la mi-journée de ce dimanche.
L’OPELE constate que la plupart des bureaux de vote ont ouvert dans le pays et relève toutefois quelques irrégularités telles que le manque de matériel électoral dans certains bureaux, notamment dans la capitale.
L’Observatoire évoque aussi des cas d’achat de conscience dans plusieurs régions, notamment des échanges de vote contre des vivres ou de l’argent.
Un scrutin inédit pour la fin de dix ans de présidence Issoufou
Le président sortant, Mahamadou Issoufou, du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), arrive au terme de ses deux mandats et n’est pas candidat à sa propre succession. Mohamed Bazoum, qui veut assurer la « continuité » de son œuvre, est en lice pour lui succéder. Le premier tour est pour ce dimanche, mais y en aura-t-il un second ? Une victoire d’un candidat dès le premier tour de l’élection présidentielle serait une première au Niger.
Nouveauté de ce scrutin : le bulletin de vote devient unique. Tous les candidats figurent sur une même feuille, sur laquelle est apposée leur photo et le logo de leur formation politique. Les votants doivent choisir la case correspondante. Le scrutin présidentiel est couplé à des législatives pour élire les 166 nouveaux députés qui composeront l’Assemblée nationale. Les cinq représentants de la diaspora seront choisis ultérieurement.
La campagne électorale s’est déroulée sans violence. Elle est même passée presque inapercue dans certaines zones du pays, car très peu de candidats ont vraiment foulé le terroir. Hormis Mohamed Bazoum, les candidats ont mobilisé peu de moyens financiers et matériels, et la plupart d’entre eux ont visité leur région natale ou ont tenu des meetings dans les chefs-lieux des régions.
L’opposition a mené campagne en ordre dispersé. Ce n’est qu’à 48 heures du premier tour que Hama Amadou a apporté son soutien à Mahamane Ousmane. Ils ont ensuite été rejoints par Amadou Boubacar Cissé, qui a jeté l’éponge.
Des élections malgré le renforcement des mesures sanitaires
Ces élections se tiennent alors qu’il y a quelques jours, les autorités ont annoncé un renforcement des mesures de lutte contre le Covid-19. Les rassemblements sont interdits, les bars et les salles de spectacles sont également fermés pendant deux semaines, avec la possibilité d’un renforcement de ces mesures si besoin, passé ce délai.
Le candidat du parti au pouvoir, Mohamed Bazoum, avait annulé son dernier meeting le vendredi 25 décembre dans la capitale, justement en raison de la hausse des cas de coronavirus. La Commission électorale nationale indépendante (Céni) explique qu’elle dispose de certains kits sanitaires, que des spots existent et seront diffusés sur place pour inviter le public à respecter les mesures barrières dimanche dans les bureaux de vote. La Céni affirme ne pas vouloir prendre le risque d’être un vecteur de maladies.
La menace jihadiste inquiète les électeurs
Bien que la campagne se soit déroulée sans exaction violente, le Niger est, comme d’autres pays sahéliens, confronté à des attaques menées par des groupes jihadistes. En ce mois de décembre, des terroristes de Boko Haram ont frappé à Toumour, près du Nigeria. Et sept soldats ont été tués dans une embuscade, dans l’ouest. Conscients de cette menace, les électeurs nigériens attendent une sécurisation des opérations de vote.
La Céni rappelle que sa mission est de garantir le droit de tout citoyen à voter, sur toute l’étendue du territoire, et assure assure avoir pris des mesures pour sécuriser le scrutin. Son président, Issaka Souna, reconnaît que le Niger vit une situation sécuritaire difficile, notamment dans des zones situées aux frontières, dans les régions de Tillabéri, entre Tahoua et le Mali, ou encore dans la zone du lac Tchad. « Nous savons que le risque zéro n’existe pas », explique Issaka Souna, tout en précisant que toutes les forces de sécurité sont mobilisées et que des dispositifs préventifs et d’action existent, pour assurer la sécurité des personnes, des biens et du matériel.
Du côté de la société civile, certains acteurs affirment que les forces de l’ordre n’étaient pas visibles partout, lors de la tenue des élections locales. Ali Idrissa, coordinateur de l’Observatoire du processus électoral (OPELE), qui regroupe plusieurs organisations de la société civile, estime qu’il faut des patrouilles dans les communes pour que la présence des forces de sécurité puisse être ressentie au niveau des bureaux de vote.
RFI