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Ce troisième mandat illégitime de M. Alpha Condé doit nous faire peur en Guinée

Guinée : le 15 décembre 2020 ou l’investiture de l’indécence politique

Tribune. Ce troisième mandat illégitime de M. Alpha Condé doit nous faire peur, car c’est déjà sur un ton menaçant et bagarreur que le conquérant du troisième mandant présente sa nouvelle stratégie de gouvernance.

On peut s’inquiéter du fait que l’indifférence aux injustices et aux crimes commis par les Forces de Défense et de Sécurité entraine un profond ressentiment dont les conséquences seraient d’exacerber l’ethnocentrisme et la haine. Les violences actuelles nous montrent que s’éterniser au pouvoir au prix du sang de son propre peuple et au mépris des principes démocratiques n’est pas digne de la fonction présidentielle.

Maintenir M. Alpha Condé et son clan au pouvoir, c’est nier l’évidence que les principes de l’État de droit ne sauraient être dissociés des questions de souveraineté populaire et des droits de la personne. Or ce troisième mandat est une violation de la souveraineté du peuple telle que consacrée par la Constitution de 2010. Les principes de justice voudraient que les Guinéens aient le courage d’admettre que M. Alpha Condé n’est pas celui qui doit être à la présidence, et qu’instrumentaliser les élections pour refuser l’alternance au pouvoir est contraire au principe de la souveraineté du peuple.

Une société est vouée à l’échec lorsque la notion d’intégrité est mise à rude épreuve et que la découverte de la vérité ne fait pas partie des motivations des responsables politiques. La capacité d’un leadeur à susciter le respect et la loyauté de son peuple dépend du caractère constitutionnel de son pouvoir et du dynamisme économique induisant une croissance inclusive, partagée et durable débouchant sur l’amélioration du bienêtre du plus grand nombre de citoyens.

Outre l’inconstitutionnalité de ce 3e mandat, il est indéniable que M. Alpha Condé ne peut se prévaloir d’aucun atout lui permettant de se maintenir au pouvoir. L’extrême arrogance de certains responsables politiques de notre société, dont ceux qui pensent qu’ils doivent avoir le monopole de la gestion du pouvoir en Guinée témoigne de la fragilité de nos institutions. Cette tendance du système politique guinéen à promouvoir l’absolutisme et l’omnipotence comme moyen de patrimonialisation de la chose publique symbolise de façon claire le rôle joué par nos institutions dans le rétrécissement des valeurs auxquelles nous sommes attachés.

Les violences politiques et le sous-développement qui minent notre pays sont la conséquence de la conception du pouvoir comme un pur phénomène de force. Une conception du pouvoir qui a fini par généraliser la fraude électorale, la patrimonialisation de la chose publique, le « terrorisme d’État », la violation de la Constitution et des libertés individuelles, etc. Que faisons-nous de la méritocratie, de l’intégrité, de la modestie, de l’empathie, de la justice ou du respect de la dignité humaine ?

Dans le contexte actuel particulier de misère du système, le peuple de Guinée doit demander l’impossible en exigeant le véritable changement. Or, il ne peut y avoir de changement sans respect de la Constitution. La Constitution, c’est la loi, la morale, des valeurs, et une éthique. De fait, personne ne doit en faire un bien privé ou l’interpréter à sa propre convenance. La notion d’une Guinée nouvelle, bâtie sur un leadeurship vertueux capable de restaurer le sens moral des institutions, implique une profonde transformation sociale où le citoyen accepte de sortir des velléités opportunistes propres à notre société pour adopter une attitude fondée sur les principes de justice et d’utilité nationale.

En se pensant maîtres de tout, nos dirigeants oublient qu’ils ne maitrisent rien et ne se maitrisent pas, puisque leur pouvoir apparait terriblement insignifiant par rapport à la force de la masse populaire. Dans les sociétés modernes, lorsque les dirigeants s’affranchissent de leur première responsabilité, qui est de protéger les citoyens et d’être en phase avec leurs demandes rationnelles, le peuple a la responsabilité de les contester conformément aux lois et aux valeurs de la République. La mauvaise gouvernance en Guinée étant un mouvement contagieux de déraison, le citoyen de base est en droit de se demander jusqu’à quel point il peut se fier à cette élite politique délinquante.

Un peuple opprimé a deux options. Soit il reste fataliste et continue à se lamenter sur son propre sort, soit il prend son courage à deux mains et décide d’agir. Vraisemblablement, nous avons choisi la première option. Depuis l’indépendance, l’aptitude reconnue des régimes successifs guinéens de savoir consolider leur emprise sur tous les leviers du pouvoir (politique, judiciaire, économique et militaire) est exacerbée par la résignation d’une partie de la population et par la peur de celles et ceux qui combattent la tyrannie du système sur le terrain politique.

Dans ce contexte, la recherche d’un équilibre est vaine puisque le droit constitutionnel de vote, par lequel devrait s’exercer la souveraineté populaire, ne permet pas aux citoyens (tyrannisés, bâillonnés, endoctrinés par la rhétorique trompeuse des autocrates) d’être au centre du jeu politique. Du coup, les consultations électorales ont toujours servi de tremplin pour la légitimation formelle de la dictature.

L’enseignement qui peut être tiré des expériences démocratiques internationales est qu’en toute circonstance, un peuple est responsable de sa propre destinée.  C’est ce que doit comprendre le peuple de Guinée en contestant pacifiquement l’investiture illégitime de M. Alpha Condé le 15 décembre 2020. Il en va de notre destin comme peuple qui aspire à un meilleur avenir. Telle est l’attitude que doivent adopter les populations et les prétendants au poste de président pour rendre sa dignité au peuple.

 

Thierno Aliou BAH

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