Le président sortant Nana Akufo-Addo, ex-avocat des droits humains devenu un chef d’État réputé pour sa diplomatie, a remporté de justesse le scrutin présidentiel de ce lundi 7 décembre face à son rival de toujours, John Mahama.
L’homme a le visage affable, toujours chaussé de petites lunettes rondes, à la Harry Potter. Il ne porte pas son âge : lui qui a 76 ans aujourd’hui sera donc octogénaire au terme de ce second mandat. À l’extérieur des frontières du Ghana, Nana Akufo-Addo est connu comme le chantre du « Ghana Beyond Aid », « Le Ghana au-delà de l’aide ». Il est l’un des premiers dirigeants à avoir choisi de se priver délibérément de l’aide du FMI et des pays étrangers pour relancer seul la croissance de son pays. Dans un discours historique très médiatisé en 2018, lors de la visite d’Emmanuel Macron à Accra, il avait demandé aux Africains de se « débarrasser de cette mentalité de dépendance, cette mentalité qui nous amène à nous demander ce que la France peut faire pour nous. »
Sous sa houlette, le Ghana a retrouvé une place de premier plan sur la scène régionale. Nana Akufo-Addo a notamment conduit d’importantes missions de médiation en Guinée ou au Togo, pays voisins troublés par de graves crises politiques et sociales. En 2019, il a également lancé à grand bruit une campagne intitulée « Year of Return », l’Année du Retour, incitant les Afro-descendants du monde entier, et plus particulièrement des Etats-Unis, à « revenir » au Ghana pour visiter ses plages, ses parcs naturels, et les tristes monuments du commerce triangulaire.
Avocat des droits humains, défenseur de la démocratie
Le septuagénaire a de qui tenir. Son père, Edward Akufo-Addo, a été lui-même président à la fin des années 1960, et faisait partie, comme Kwame Nkrumah, des « Big Six », les pères de l’indépendance et de la nation ghanéenne. Né en 1944 dans la capitale, Nana Akufo-Addo grandit donc dans une famille de l’élite nationale et baigne dans la politique dès sa prime enfance, sa maison accueillant régulièrement les réunions du parti de son père.
Après des études à Londres, où il acquiert et cultive son accent britannique, Nana Akufo-Addo devient avocat spécialisé dans les droits humains, profession qu’il exerce entre la France et l’Angleterre. Il dénonce depuis Londresles excès du régime militaire de Kwame Nkrumah, puis retourne au Ghana à l’avènement de la démocratie, en 1992. Nana Akufo-Addo rejoint alors le parti libéral d’opposition, le Nouveau Parti patriotique (New Patriotic Party, NPP). Au début des années 2000, il entre au gouvernement comme ministre de la Justice, puis des Affaires étrangères pour John Kufuor. Il perd successivement l’élection de 2007 face à John Atta Mills, puis celle de 2012 contre John Mahama, avant d’obtenir en 2016 sa revanche sur ce même adversaire.
« Révolution économique » et lutte anti-corruption, un bilan en demi-teinte
Lors de la campagne présidentielle de 2016, Nana Akufo-Addo séduit l’électorat grâce à deux promesses : entreprendre une « révolution économique » pour relancer la croissance au Ghana, en berne au terme du mandat de John Mahama, et mettre fin à la corruption, lui qui est réputé d’une intégrité sans faille.
Le premier pari est, pour l’essentiel, une réussite, du moins pendant les trois premières années de son mandat. Grâce à une politique de rigueur, Nana Akufo-Addo parvient à diviser par deux le déficit budgétaire de l’État. Il entreprend de libéraliser l’économie du Ghana, en diminuant notamment les charges patronales, et investit dans les infrastructures et les hydrocarbures. Le président relance également le secteur industriel, autour de l’initiative très médiatisée « One District, One Factory ». Et en quelques mois, le Ghana devient l’un des 10 pays au monde ayant la croissance la plus rapide.
Pour financer ce programme de relance, et compenser la fin de l’aide du FMI, Nana Akufo-Addo adopte une stratégie d’endettement massif. La dette publique du Ghana, aggravée cette année par la crise du Covid-19, représente aujourd’hui plus de 70% de son PIB. La croissance est tombée à moins de 1%, son taux le plus bas depuis 37 ans.
De multiples défis pour ce second mandat
Si son bilan économique est mitigé, Nana Akufo-Addo a surtout été salué au cours de ce premier mandat pour ses mesures sociales, en particulier l’instauration de la gratuité du lycée pour tous les Ghanéens. Mais également pour sa bonne gestion de la crise sanitaire, les mesures drastiques adoptées dès le mois de mars ayant permis de limiter les décès dus au Covid-19 à 326 morts.
Mais en l’espace de quatre ans, l’image du chevalier blanc de la lutte anti-corruption s’est considérablement ternie. La présidence de Nana Akufo-Addo a été entachée de nombreux scandales de corruption et de népotisme, son gouvernement comportant plusieurs membres de sa famille. Le dernier scandale en date a éclaté pendant la campagne présidentielle, en novembre dernier, avec la démission fracassante du procureur anti-corruption, Martin Amidu. Il avait alors accusé Nana Akufo-Addo d’obstruction dans son travail, ce que la présidence a formellement démenti.
Conscient de ces faiblesses et des difficultés que rencontre le Ghana aujourd’hui, Nana Akufo-Addo s’est abstenu pendant cette campagne de promesses flamboyantes, comme il l’avait fait en 2016. Sa tâche la plus urgente devrait être de limiter l’inflation galopante et l’augmentation de la dette publique, résoudre le problème du chômage des jeunes, et retrouver la confiance des Ghanéens. Selon une étude Afrobaromètre de 2019, plus de la moitié des sondés estimaient qu’il avait échoué à améliorer significativement leur niveau de vie.
RFI