Tribune. Sans qu’aucune surprise tout le monde savait, depuis que le Président de la République a modifié la constitution de 2010 dans son référendum du 22 mars dernier, Alpha Condé n’avait aucune intention de s’éloigner du pouvoir à plus forte raison le quitter. Sans aucun doute, les magouilles étaient déjà jouées d’avance avant même la présidentielle du 18 octobre 2020, au point qu’aucun esprit malin n’allait pronostiquer sur la victoire de l’opposition.
Dès lors, il a mis tous les moyens illégaux de son côté pour mourir au pouvoir, comme l’ont fait ces prédécesseurs (S. Touré/L.Conté), une façon pour lui de rattraper le près d’un demi-siècle qu’il a passé à le chercher.
Depuis l’annonce de cette modification constitutionnelle et l’organisation de la joute présidentielle du 18 octobre, il y a eu au moins 70 jeunes froidement tués à Conakry et à l’intérieur du pays, par les balles des milices du pouvoir en place, que le régime appelle Forces de Défense et de Sécurité.
A cela s’ajoute, de nombreux guinéens chassés en Haute Guinée fief du RPG ARC-EN-CIEL, sans oublier la destruction massive de leurs biens par les militants de ce parti sanguinaire.
La seule et unique cause à toute cette barbarie est la volonté démesurée du PRAC de modifier vaille que vaille la constitution pour se maintenir au pouvoir jusqu’à la fin de sa vie.
C’est pourquoi d’ailleurs, le Président octogénaire Condé a déclaré la guerre à tous ceux qui pouvaient s’opposer à son idée mercantile d’organiser ce holdup électoral notamment l’ancien président de la Cour Constitutionnelle feu Kéléfa Sall.
Cet homme de droit qui avait invité Alpha à respecter les textes de la constitution lors de sa prestation de serment pour son 2ème et dernier mandat le lundi 14 décembre 2015 déclarait <<…la conduite de la nation doit nous réunir autour de l’essentiel, ne nous entourons pas d’extrémistes qui seront nuisibles à l’unité nationale. Évitez toujours les dérapages vers les chemins interdits en démocratie et la bonne gouvernance. Gardez vous de succomber aux mélodies de sirènes révisionnistes car si le peuple de Guinée vous a donné et renouvelé sa confiance, il demeure cependant légitimement vigilant…>>
Ce rappel à l’ordre du président d’alors de la Cour a mis le PRAC dans une colère noire. Il a tout mis en œuvre avec l’appui des magistrats corrompus pour l’éviction de l’homme de valeurs Kéléfa Sall à la tête de cette haute institution.
Le départ de Kéléfa a ouvert un boulevard à M. Condé d’organiser cette mascarade électorale, en comptant sur des magistrats acquis à sa cause et aussi l’un des membres forts de son parti qu’il a mis à la tête de la CENI Kabinet Cissé.
Il y a eu bien élections en Guinée, mais quelle élection? Une élection acquise au prix des pertes en vies humaines, de dégâts matériels importants, des guinéens qui deviennent des réfugiés dans leur propre pays telles sont les réalités qui prévalent dans ce petit Etat de l’Afrique de l’Ouest.
Cela semble anodin qu’un Président qui a fait plus de 40 ans en France (l’une des vitrines de la démocratie mondiale) fasse subir cela à son peuple. Alpha Condé exerce aujourd’hui la dictature sur le plus grand nombre des minorités. Gandhi ne disait-il pas que <<la démocratie devrait assurer au plus faible les mêmes opportunités qu’au plus fort>>.
Si par définition la démocratie c’est le gouvernement du peuple par le peuple, pour l’homme FORT de Conakry, le peuple ce n’est pas l’autre, c’est lui.
Pour ce scrutin de 2020, nombreux sont des partis qui ont pris part notamment l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) qui est le principal parti de l’opposition.
Connaissant bien Alpha et son régime, le leader de l’UFDG Elhadj Cellou Dalein Diallo a mis tous les moyens de son côté pour participer à cette autre échéance électorale. Selon les responsables du parti, 32 milles jeunes ont été déployés avec des outils informatiques afin de remonter à temps réel tous les résultats des différents bureaux de votes après le dépouillement.
En mettant tous ces moyens en place, l’UFDG et ses alliés ont charcuté et mis à nu le système de fraude à grande échelle, de la triche et du mensonge du pouvoir de KORO.
A partir de ce système des remontées des procès-verbaux, Cellou Dalein s’est déclaré vainqueur 24 heures après le vote.
Une déclaration qui a déclenché des scènes de liesse à Conakry et à l’intérieur du pays. La suite tout le monde la connait. Au moins 49 de morts par balles, des assassinats ciblés, d’importants dégâts matériels et des arrestations arbitraires y compris au sein du principal parti de l’opposition guinéenne.
Ce rendez-vous électoral du 18 octobre 2020 restera l’une des pires humiliations pour un chef d’Etat sortant en Afrique de l’Ouest. Tellement touché par le revers que les guinéens lui ont fait subir, Alpha Condé en complicité avec des observateurs nationaux (société civile) et internationaux (la CEDEAO et l’Union Africaine) a tout planifié en mettant des sommes colossales à leur disposition pour qu’ils apportent leur soutien à sa fameuse victoire synonyme de réélection.
Cela en dit long car les observateurs de la CEDEAO et du CNOSCG n’étaient qu’un simple outil de caisse à résonance pour surveiller le vol électoral du président Condé. D’où leur silence à toutes les exactions que subissent les guinéennes et guinéens sachant que la justice est inféodée au pouvoir de Sékhoutouréya.
Et on sait tous que, s’il y a une mission régalienne sur laquelle on ne peut pas se permettre une indigence de pensée et de conception, c’est bien la justice. Car elle est l’épine dorsale de tout fondement social et démocratique. C’est une mission régalienne qui doit rassurer et apaiser l’ensemble de la société. Très malheureusement dans le pays d’Alpha Condé, c’est une justice à deux poids deux mesures.
Si tout le monde s’accorde pour dire que seule la démocratie apporte la paix, la quiétude sociale et le vivre ensemble, dans mon pays celle-ci s’effrite du jour au lendemain depuis l’arrivée de ce despote au pouvoir en 2010.
Ne voulant en aucun cas accepter de quitter son fauteuil même après ce revers sanglant de la dernière présidentielle, Alpha Condé s’agrippe sur les divisions ethniques et ethnocentriques pour se cramponner davantage au pouvoir.
Pour ces six prochaines années en Guinée, le peuple devra encore se serrer les ceintures pour continuer de vivre au jour le jour. Car la gabegie, le clientélisme, la corruption, le favoritisme et l’injustice sont les maîtres mots du nouveau chef d’Etat sèchement nommé par la CENI et entériné par la cour Constitutionnelle.
Bienvenue dans la démocratie bananière de mon pays natal.
Alpha Tamsir BAH, journaliste et analyste politique