Le destin des populations guinéennes est pris au piège non seulement par Alpha condé, mais aussi par ses ministres et conseillers qui ont couvert l’injustice, l’inégalité et la violence de vertus démocratiques.
Autrement dit, le problème c’est aussi ceux qui sont à l’avant-garde de la mécanique autoritaire et de la criminalité politique qui en découle. Outre le cas de Damantang Camara et bien d’autres, c’est la figure de Rachid Ndiaye qui révèle tragiquement les stratégies d’enfumage mis à contribution pour maintenir, au prix de la mort de l’autre, les privilèges d’un pouvoir décadent.
À entendre Rachid Ndiaye, Alpha Condé serait le meilleur président que les Guinéens n’ont jamais eu ; son accession au pouvoir en 2010 marquerait une alternance démocratique ; il y aurait eu des avancées en matière d’électrification du pays, sur le plan économique et social, et même sur le plan de la condition féminine (!). En résumé, pour le ministre d’État et conseiller, jamais les Guinéens n’ont aussi été heureux que sous l’exceptionnel régime d’Alpha Condé. C’est d’ailleurs pourquoi le peuple de Guinée aurait donné son accord à la modification de la constitution.
Le problème est que les populations guinéennes et les femmes surtout n’ont jamais vu les effets positifs de cette « démocratie guinéenne » et de son supposé « progrès économique et social ». Même le fameux 6 % du PIB, on a du mal à voir quel a été sa traduction en termes de redistribution des richesses. Les revenus issus de la bauxite (505 millions d’USD) pour l’année 2016-2017), les populations guinéennes n’ont pas vu la couleur de l’argent. Il aura fallu attendre Kassory Fofana, en opportuniste aguerri, relancer le programme de l’ANIES pendant… les élections !
Où sont donc le progrès économique et la démocratie dont parle Rachid Ndiaye ? Qui en est le bénéficiaire ? Rachid Ndiaye et les membres du gouvernement ? En tout cas misère, violence et exploitation continuent d’être le trait commun des Guinéens. Alors qu’un insatiable désir de quitter le pays ronge une jeunesse trahie par un gouvernement passé maître dans l’art de la répression. Visiblement, la Guinée de Rachid Ndiaye n’est pas la Guinée des Guinéens, c’est-à-dire ceux qui vivent au pays et qui n’ont pas le privilège d’étudier ou de se soigner dans les capitales occidentales. Le tableau positif que présente M. Ndiaye consiste à donner au mensonge le visage de la vérité. Et pourtant, nous ne sommes pas dupes ! L’ânerie à des limites !
Rachid Ndiaye, les Kiridy (rouage par excellence du système autoritaire guinéen), Domani Doré, Zeinab Dramé et autres ne lâcheront jamais le pouvoir. Même au prix de la négation de l’humanité des jeunes qui tombent dans ce qu’on appelle « l’Axe », mais qui est en réalité le lieu où l’implacable désir du pouvoir expérimente toutes les techniques de la déshumanisation : pillage de maison, meurtre, viols, infanticide…
Si sur Kaloum règne une tyrannie psychologique qui retient le souffle des populations, à l’extérieur de Kaloum le gouvernement de Rachid Ndiaye a transformé les lieux en véritable camps de la mort ! On comprend donc la frustration de l’artiste Djanii Alpha dont le seul péché a été de nommer le mal. Rachid Ndiaye verra-t-il dans les revendications d’humanité de la jeunesse guinéenne « une incitation à la haine » comme l’a fait Mory Doumbouya. Certainement. Parce qu’ils le savent, en perdant le pouvoir, ils perdent en même temps leur source de vie principale.
Dans un régime autoritaire, régressif et nihiliste comme la Guinée, le pouvoir est une question de vie ou de mort. Voilà pourquoi ministres et conseillers n’hésitent pas à faire de la mort de l’autre une condition du maintien au pouvoir. Car si l’on restait au bilan d’Alpha Condé, analysé d’un point de vue politique, économique et institutionnel, aucune affirmation de Rachid Ndiaye ne tiendrait la route. De la pure fiction…lorsqu’on sait que c’est le même Ndiaye qui a confié à Jeune Afrique que « Alpha Condé n’a de comptes à rendre à personne ». Une démocratie sans imputabilité ! Bienvenue dans l’univers de l’autoritarisme tropical où la soumission à la tyrannie du pouvoir affecte dramatiquement la capacité de jugement.
Amadou Sadjo BARRY
Québec, Canada