On part en Guinée, où le président Alpha Condé se représente pour un 3e mandat… Suspense, zéro… surprise, zéro… cela faisait des mois que le Parti du président Alpha Condé, le Rassemblement du peuple de Guinée, avait supplié son chef bien-aimé d’être candidat à sa propre succession pour la présidentielle.
Alpha Condé, président de la Guinée
D’une façon qui se voulait pleine de majesté et de mystère, à la François Mitterrand si je voulais oser une comparaison qui n’a rien d’anachronique, Alpha Condé est de cette génération-là, il aura 84 ans en mars, Alpha Condé donc retenait sa décision.
Cet opposant acharné de Lansana Conté, général président pendant plus de 30 ans, qui l’a humilié, fait enfermer des mois durant, est arrivé au pouvoir en 2010 suite à un massacre dans un stade de Conakry et à l’effondrement d’une junte militaire.
Avant de se déclarer de nouveau candidat, il a attendu de voir comment réagissait la rue
Et il a raison de se méfier : en se présentant pour un 3e mandat, il fait ce qu’il avait tant reproché à son ennemi de toujours, le président Lansana Conté qui, en 2001, déjà, avait bidouillé la Constitution pour se représenter. Qui vient par la rue, se méfie de la rue !
Le pire, c’est qu’il n’est même pas le seul en Afrique francophone à tenter la passe de trois malgré la Constitution ou les promesses. Alassane Ouattara, président de Côté d’Ivoire, répondant à l’aimable pression de ses amis et du peuple ivoirien, se représentera aussi. Il avait pourtant promis, pas plus tard qu’en mars dernier, de partir à l’issue de ses deux mandats. Résultat : des manifestations les 22 et 23 août qui ont fait 6 morts et un climat de pré-guerre civile, comme le pays n’en avait plus connu depuis… sa 1ère élection.
Mais comment ces deux hommes justifient-ils ces manœuvres et leur reniement ?
La vraie réponse à cette question est dans l’âge des deux capitaines : Alpha Condé a donc 82 ans et Alassane Ouattara, 78. De leur génération politique, il ne reste rien. Lorsqu’ils regardent autour d’eux, ils ne voient plus personne qui soit leur égal. Ce sont des dinosaures, incapables de passer la main et qui oublient que le pays qu’ils ont à gouverner est souvent 4 fois plus jeune qu’eux : 18 ans d’âge médian pour la Côte d’Ivoire, 19 ans pour la Guinée.
C’est la vieille politique africaine qui refuse de mourir. C’est tellement vrai que sitôt la décision d’Alassane Ouatarra connue, il a dépêché à Paris plusieurs ministres chargés du service après-vente. En clair, il a eu une réaction de dirigeant africain des années 70 qu’il est : amadouer l’ancienne métropole.
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de ministres ivoiriens ?
Hier soir, 1er septembre, dans un bel élan de relations publiques au frais du contribuable ivoirien, une brochette d’une demi-douzaine de ministres de M. Ouattara recevait dans une brasserie parisienne pour discuter « à bâtons rompus » de la situation ivoirienne. Autrement dit, on interdit les manifestations au pays, mais on accepte d’en discuter sans entrave à Paris. Si ça ne fleure pas bon la Françafrique de papa, je ne m’y connais pas !
Mais revenons-en, en conclusion, à ces fameux mandats à répétition. Il faut dire à la décharge de la Guinée et de la Côte d’Ivoire que pas moins de 18 pays africains ont tenté ces vingt dernières années de bidouiller leur Constitution pour faire sauter le verrou du nombre de mandats maximum. Pourquoi devraient-ils eux s’en priver ?
Par franceinter