TRIBUNE. Entre querelles de personnes et de partis, la Guinée ne cesse de s’enliser. Voilà qui justifie une autocritique sincère pour sortir le pays de l’ornière.
Les violences qui ont accompagne le dernier scrutin ont interpelle de nombreuses institutions et organisations, comme Amnesty International qui a denonce << l’usage excessif et aveugle de la force contre les manifestants et passants >>.
Les violences qui ont accompagné le dernier scrutin ont interpellé de nombreuses institutions et organisations, comme Amnesty International qui a dénoncé « l’usage excessif et aveugle de la force contre les manifestants et passants ».
Au lendemain du double scrutin du 22 mars, la Guinée et ses citoyens demeurent confrontés à des choix qui pourraient constituer un nouveau tournant de son histoire, un peu plus de 60 ans après son indépendance. Les violences qui ont entaché les élections dimanche dernier appellent une réflexion de plus long terme. En effet, plutôt que de se focaliser sur les résultats, très imprévisibles à cette date, de leurs choix et de leurs conséquences, les citoyens devront veiller au véritable changement qui doit intervenir si le pays veut relever durablement le défi de son émancipation économique et politique. Le principal risque auquel nous faisons face aujourd’hui, c’est de rater ce nouveau rendez-vous avec l’histoire en maintenant le statu quo.
La nécessité de sortir des errements du « système »
En effet et en dépit des différents changements à la tête de l’État, les maux de la société guinéenne (repli identitaire, omniprésence de la corruption, injustice et impunité, croissance non inclusive, déficiences du système scolaire et sanitaire, faiblesse de l’État, reproduction des élites, clientélisme et népotisme, opacité de la gestion publique, etc.) demeurent et sont intimement ancrés dans ce qu’il est convenu d’appeler le « système ».
La question d’un éventuel troisième mandat présidentiel cristallise aujourd’hui, à raison, les débats en Guinée. Alors que le pays paie déjà un lourd tribut aux violences, affrontements et divisions qui le rongent, il faudrait néanmoins prendre garde que le débat ne se limite pas à soit permettre à un clan de se maintenir au pouvoir (et de maintenir ainsi ses privilèges), soit permettre à un autre clan d’accéder à ces mêmes privilèges. L’histoire de la Guinée a hélas trop souvent prouvé que les luttes politiques se confondent avec les luttes pour le contrôle des réseaux d’accès et d’accumulation de richesses. L’histoire, il est vrai, est têtue !
Pour Baba Hady Thiam. avocat aux Barreaux de Conakry et Paris, il faut retourner aux fondamentaux même d’une démocratie véritablement inclusive.
Respecter la soif de démocratie des populations…
Le peuple guinéen, qui reste debout et ne renonce pas à son combat pour un réel mieux-être et une véritable démocratie, l’a compris. Il est vrai également que les citoyens guinéens démontrent, depuis quelques mois, et dans le fil de la fameuse grève générale de janvier et février 2007, une maturité nouvelle et une soif de justice et de démocratie insoupçonnée. Dans ces temps sombres, il s’agit là d’une vraie lueur d’espoir car, au-delà des luttes de personnes, les vrais enjeux pour la population guinéenne se situent clairement ailleurs.
Les problèmes actuels de la Guinée dépassent les problèmes de personnes et le vrai changement ne viendra pas uniquement d’un changement (ou pas) de quelques hommes, mais d’une franche et réelle rupture avec le système actuel. L’avenir se situe clairement dans un système qui sert l’intérêt général et non les intérêts individuels d’une infime minorité, un système qui améliore les conditions de vie des couches les plus fragiles et réduit les inégalités, un système qui remet l’éducation et l’instruction au cœur des priorités, un système qui sanctionne les violations des lois relatives à la corruption, un système dans lequel les élites assument enfin leurs responsabilités vis-à-vis du peuple, un système institutionnalisant le pouvoir politique et valorisant une administration dépolitisée et efficace, un système fondé sur la méritocratie et la culture de l’exigence, un système ancré dans l’État de droit qui s’appuie sur un appareil judiciaire indépendant, etc.
… par une approche plus inclusive…
Il n’y a pas de formule magique pour permettre ce progrès, mais, à n’en pas douter, celui-ci passera d’abord par un changement de comportement des élites et une plus grande implication et consultation du peuple, et pas uniquement à l’occasion des élections. Il pourrait ainsi être envisagé la mise en place de grandes palabres nationales guinéennes, qui pourraient prendre la forme d’un « référendum d’initiative citoyenne » ou encore du veto populaire, etc. Il est également absolument nécessaire que la gouvernance fasse intervenir un ensemble d’institutions et d’acteurs indépendants qui n’appartiennent pas tous à la sphère gouvernementale. Enfin, il convient que les moyens de contrôle des trois pouvoirs en Guinée soient renforcés, avec une possibilité de sanctions effectives, par une commission élue et indépendante, par exemple, à l’encontre des individus qui franchiraient les lignes rouges à définir.
… où les vrais enjeux sont au centre des débats
C’est à cette seule condition que le peuple guinéen pourra bénéficier positivement de l’issue de ce nouveau rendez-vous avec l’histoire. À défaut, il continuera à en demeurer l’unique victime. L’heure est donc décisive et les enjeux sont énormes. Car, une fois que l’issue du combat pour un troisième mandat (ou pas) aura livré son verdict, le vrai combat débutera pour le peuple guinéen. Ce combat n’est pas forcément aligné avec celui de ses élites. Mais les événements récents me laissent à penser que nous pouvons faire confiance aux citoyens de notre pays pour faire les bons choix dans les mois et années à venir !
Par Baba Hady Thiam
Avocat guinéen Inscrit aux barreaux de Guinée et de Paris, basé à Conakry, il est le cofondateur et ancien président du GYPC, une association de jeunes professionnels guinéens engagés pour le futur du pays.