A l’occasion de la prise en fonction de la nouvelle législature du parlement de la CEDEAO, le Chef de l’Etat du Niger en même temps président en exercice de cette institution sous-régionale a rappelé les dirigeants des membres de cette organisations qui veulent s’éterniser au pouvoir, la nécessité d’en finir avec cette mauvaise pratique. Ci-dessous le discours intégral
Discours du Président de la République, Président en exercice de la CEDEAO à l’ouverture de la 5e législature du Parlement de la CEDEAO
Monsieur le Président du Parlement de la CEDEAO
– Monsieur les Présidents des Assemblées Nationales du Niger et de la Sierra Leone,
– Monsieur le Premier Ministre,
– Monsieur le Haut Représentant du Président de la République,
– Madame et Messieurs les Présidents des institutions de la République
– Monsieur le Président du Conseil des Ministres de la CEDEAO
– Monsieur le Président de la Commission de la CEDEAO
– Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
– Honorables Députés,
– Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique et Représentants des Organisations internationales
– Monsieur le Gouverneur de la Région de Niamey
– Honorables chefs traditionnels et religieux
-Distingués Invités, Mesdames et Messieurs
La cérémonie solennelle d’installation de la cinquième législature du parlement de la CEDEAO est la première cérémonie qu’accueille le prestigieux centre Mahatma Gandhi symbole de la transformation non seulement de la ville de Niamey mais de l’ensemble de notre pays dont le peuple vous souhaite la chaleureuse bienvenue.
Mesdames, Messieurs
Le 29 Juin 2019 à Abuja, à l’occasion de mon discours de clôture de la 55eme session ordinaire de la conférence de notre organisation, j’avais décliné les priorités de mon mandat : la sécurité, la démocratie, la monnaie unique et les infrastructures. Cela résulte de ma conviction que sécurité, démocratie et développement sont intimement liés et que ce triptyque constitue une base d’un progrès économique et social solide de notre espace communautaire.
Mesdames, Messieurs
L’agenda 2063 de l’Union Africaine s’est fixé pour ambition de faire taire les armes en 2020. Il est probable que notre région, malheureusement secouée par les menaces des organisations terroristes et criminelles ainsi que par les conflits intercommunautaires, n’y parviendra pas. En effet, dans le Sahel comme dans le bassin du lac Tchad, certains pays membres font face à ces menaces qui sont amplifiées par la crise Libyenne. Il est nécessaire donc de renforcer notre solidarité pour faire face à cette situation. C’est dans cette perspective que la Force Mixte Multinationale (FMM) et la Force Conjointe ont été respectivement mises en place dans le bassin du lac Tchad et dans le Sahel. C’est dans cette perspective que la CEDEAO a décidé, à l’occasion de son sommet extraordinaire du 14 septembre 2019 de Ouagadougou, de définir un plan 2019-2023 qui sera financé à hauteur de 1 milliard de dollars. Elle a aussi décidé de prévoir le recours à la force en attente de notre organisation. C’est également dans cette perspective que les États membres du G5 Sahel et la France ont appelé, à l’occasion du sommet de Pau tenu le 13 Janvier 2020, à la mise en place d’une coalition Sahel de lutte contre le terrorisme autour de 4 points : l’intensification de la lutte contre le terrorisme, le renforcement des capacités militaires des pays du G5 Sahel, le renforcement de la présence des États et des administrations dans les zones menacées et le développement économique et social. Dans le cadre de ce combat, Il est prévu la mise en place d’une Task Force (Takuba) composée d’unités des forces spéciales européennes. Les pays membres de notre organisation doivent prendre leur part dans cette coalition soit collectivement (à travers la force en attente) soit individuellement. Ils sont tous invités au prochain sommet qui se tiendra à Bruxelles afin de donner un contenu au Plan de Sécurité et de Stabilisation du Sahel(P3S) annoncé par la France et l’Allemagne au dernier sommet du G7.
Mesdames, Messieurs
Une autre menace sécuritaire qui plane sur notre espace communautaire est la pandémie de la pneumonie liée au corona virus COVID 19. Cette maladie virale très contagieuse et d’apparition récente vient malheureusement de faire l’objet de déclaration de cas confirmés dans au moins trois pays membres de notre communauté. Nous devons nous préparer et organiser une riposte commune dans le cadre de notre institution communautaire en charge des questions de santé, j’ai nommé l’OOAS. Je ne doute point que notre région, qui, il y a quelques années avait durement été frappée par l’épidémie de la fièvre hémorragique Ebola, beaucoup plus mortelle et dont elle a tiré une riche expérience de gestion de crise sanitaire, saura y faire face avec efficacité.
Mesdames, Messieurs
Les parlements nationaux et le parlement de la CEDEAO sont le cœur de la démocratie dans notre espace communautaire. Je me réjouis de ce que les valeurs démocratiques y progressent. En témoigne la généralisation de la limitation des mandats à deux et de leur durée à cinq ans, dans les constitutions de la quasi-totalité de nos États membres. En témoigne également la décision récente prise par mon frère et ami Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, de ne pas briguer un 3eme mandat malgré la possibilité offerte par la constitution de son pays. Permettez-moi de saluer son courage et de l’en féliciter. Il s’agit là d’un évènement majeur qui intervient dans un des pays les plus importants de notre communauté. Cet évènement confirme ce que j’ai déjà dit à d’autres occasions : le temps des hommes qui s’autoproclament providentiels et donc irremplaçables, des hommes qui cherchent à s’incruster à vie au pouvoir, tire à sa fin. Cela se traduira par des alternances plus fréquentes et par une respiration démocratique qui consolident les institutions démocratiques dont nos peuples ont tant besoin. Cela nous permettra de faire l’économie des crises comme celles que nous connaissons actuellement en Guinée Conakry et en Guinée Bissau. Je lance un appel à tous les acteurs politiques, dans ces deux pays, de se ressaisir afin de créer les conditions de l’apaisement et de la paix. En guinée Bissau, l’élection Présidentielle s’est déroulée dans des conditions de transparence et de crédibilité reconnues par tous les observateurs. Je renouvelle mes félicitations au vainqueur et demande à tous les autres acteurs de contribuer à la normalisation de la situation. En Guinée Conakry notre organisation souhaite un dialogue inclusif permettant d’aboutir à des solutions consensuelles et apaisées.
Mesdames, Messieurs
Le projet de la monnaie unique constitue un chantier majeur de notre communauté. Nous avons fait beaucoup de progrès vers cet objectif commun. Les parlements, qui contrôlent l’action des gouvernements, doivent encourager les États à mener des politiques macroéconomiques permettant de réaliser les critères de convergence nécessaires à la réalisation de cette ambition. Maitriser les déficits et l’inflation, disposer de réserves suffisantes pour couvrir les importations, surveiller le financement des déficits par les banques centrales, maitriser l’endettement et le ratio de la masse salariale par rapport aux recettes internes, tels sont les critères que les États doivent respecter pour que ce projet qui date de plusieurs décennies devienne enfin une réalité. Je crois pouvoir dire que le Niger est prêt pour le lancement de la monnaie unique en 2020. Il en remplit tous les critères depuis 2019. Le Niger se réjouit de ce que nous ayons trouvé un accord sur deux questions majeures : le régime de change et le type de banque centrale. Nos peuples veulent la monnaie unique car elle servira leurs intérêts. En particulier elle permettra de soutenir la croissance des économies de nos États en renforçant notamment les échanges intra-CEDEAO , échanges qui s’amplifieront avec la promotion des infrastructures routières, ferroviaires, énergétiques, numériques, aéroportuaires, portuaires, autant de projets qui permettront à notre région de contribuer à la mise en œuvre de l’agenda 2063 , en particulier de la zone de libre-échange continentale africaine. J’insiste sur la nécessité de faire baisser les couts des facteurs transport et énergie en vue d’améliorer la compétitivité des économies de notre région. Les parlements nationaux et le parlement de la CEDEAO ont un rôle éminent à jouer dans la promotion de tous les chantiers qui transformeront non seulement notre région mais aussi l’ensemble du continent.
Mesdames, Messieurs
Si l’exécutif constitue la tête de l’État, l’armée sa colonne vertébrale, la justice et l’administration ses articulations, les récompenses et les punitions ses nerfs, la prospérité et la richesse sa force, les conseillers sa mémoire, l’équité et les lois sa raison et sa volonté, les troubles civiles sa maladie, les guerres civiles sa mort, la souveraineté est son âme. Vous êtes les représentants du peuple souverain. Vous êtes l’incarnation de l’âme de nos nations.
Pour renforcer votre rôle dans l’espace CEDEAO, nous devons accélérer votre désignation au suffrage universel direct. Cela donnera à notre parlement régional davantage de prérogatives.
D’ores et déjà le Parlement de la CEDEAO représente l’Assemblée des peuples de notre Communauté. Il a la responsabilité d’adopter des lois et des législations communautaires. Ce travail législatif communautaire contribue indéniablement à la création d’une région intégrée, paisible, prospère et cohérente, bâtie sur la bonne gouvernance.
Mesdames, Messieurs
Cette tribune m’offre l’occasion de rendre un hommage mérité au Parlement sortant de la 4ème Législature et à son Président, l’Honorable Moustapha CISSE LO, qui s’est attelé au cours de son mandat à promouvoir l’intégration régionale à travers le dialogue, la consultation et le consensus, conformément aux articles 6 et 13 du Traité révisé de 1993 de la CEDEAO.
Le Parlement sortant a su donner une nouvelle impulsion aux activités de notre Communauté. Son dynamisme a permis au parlement de mieux jouer son rôle de représentation des populations de la CEDEAO dans la réalisation des objectifs et des missions de notre Communauté.
Il me plait à cet égard de relever que le parlement s’est fortement impliqué dans le processus de prise de décision de la Communauté, les questions de paix et de sécurité, de démocratie et des droits de l’homme, ainsi que dans les relations avec les autres Institutions de la Communauté, notamment les Parlements nationaux, les organes interparlementaires et les organisations partenaires.
Des actions spécifiques ont ainsi permis au Parlement d’enregistrer des acquis importants à travers :
• l’adoption de résolutions relatives à divers domaines sectoriels du processus d’intégration,
• la sensibilisation des populations sur des thématiques importantes, dont la migration irrégulière, la transhumance, les conflits intercommunautaires et la libre circulation des personnes, des biens et des services,
• l’organisation de réunions délocalisées ayant abouti à la formulation de recommandations portant sur la création d’emplois à travers l’entreprenariat et le développement des petites et moyennes entreprises (PME) et les sources alternatives et innovantes de financement des projets et programmes communautaires;
• la conduite de diverses consultations et réflexions sur la monnaie unique de la CEDEAO et la formulation de recommandations pour contribuer à assurer sa viabilité.
Pour toutes ces actions, les députés de la 4ième législature et le Président CISSE LO méritent notre reconnaissance et nos félicitations.
Mesdames, Messieurs
Je voudrais également, au nom de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO, exprimer mes chaleureuses félicitations aux nouveaux députés élus pour représenter les citoyennes et citoyens de notre espace communautaire durant les quatre prochaines années. Je ne doute pas que chacun de vous a pleinement conscience de la responsabilité qui lui incombe en tant que député communautaire.
Votre engagement personnel est indispensable pour la réussite de l’exaltante mission que les peuples de notre sous-région vous ont confiée. Il vous revient de procéder notamment à :
-la mobilisation de vos Parlements respectifs pour soutenir et appuyer les États membres dans la lutte contre le terrorisme et la mise en œuvre de programmes et projets de l’agenda de l’intégration régionale notamment s’agissant de la monnaie unique et des infrastructures ;
– de vous impliquer pleinement en qualité de gardiens des us et coutumes démocratiques et de la bonne gouvernance, dans le cadre de la mise en œuvre du Protocole sur la Démocratie et la bonne Gouvernance ;
– de procéder au plaidoyer nécessaire auprès de vos Parlements respectifs pour la ratification des Traités et autres documents connexes de la CEDEAO.
Je reste convaincu que vous serez à la hauteur de toutes les attentes de nos peuples et que de concert avec les autres Institutions, vous contribuerez au rayonnement de la CEDEAO, qui reste un exemple de réussite en matière d’intégration.
En vous assurant du soutien des Autorités de la CEDEAO dans l’accomplissement de votre mission, je
déclare solennellement ouverts les travaux de la session inaugurale de la cinquième législature du Parlement de la CEDEAO.
Vive la CEDEAO
Vive l’intégration Africaine
Je vous remercie