Après une trêve de quelques jours, l’opposition guinéenne a remis le couvert le 19 février 2020, en appelant ses militants à reprendre du service dans la rue, dans le cadre de la mobilisation « massive » et «illimitée » qu’elle a lancée pour faire barrage aux velléités de modification constitutionnelle du président Alpha Condé à l’effet de s’ouvrir les portes d’un troisième mandat à la tête de l’État.
Cela, en pleine campagne électorale pour les élections législatives et référendaires couplées du 1er mars prochain qu’elle a, du reste, décidé de boycotter en signe de protestation d’une part, et dont elle se promet d’empêcher la tenue d’autre part.
Une situation qui augure d’un regain de tensions dans ce pays où les manifestations de rue ont tendance à se terminer presque toujours dans le sang. En effet, après les trois morts, le mois dernier, des échauffourées ont éclaté hier, entre manifestants et forces de l’ordre. Et dans la foulée, la députée Djessira Traoré, en campagne contre le référendum, a été brièvement interpellée. Que nous réservent donc, les jours à venir ? La Guinée se dirige-t-elle vers le précipice ? Bien malin qui saurait répondre à ces questions.
En attendant, c’est l’inquiétude dans certains milieux au point que la France, sortant de sa réserve diplomatique au risque d’essuyer les critiques des souverainistes et autres panafricanistes, a donné de la voix pour appeler à l’apaisement. C’est dire si la situation en Guinée, est devenue très préoccupante. Et tout porte à croire que loin de s’acheminer vers la recherche d’un compromis pour désamorcer la crise, les protagonistes sont en train de se rejeter la balle, en s’accusant mutuellement. C’est ce que l’on est porté à croire quand le pouvoir accuse ouvertement l’opposition de visées putschistes.
De même, quand cette dernière voit derrière l’arrestation d’un policier, accusé d’utilisation abusive d’une arme létale lors d’une opération de maintien d’ordre, de la poudre de perlimpinpin destinée à polir l’image d’un régime aux abois et aux antipodes de la démocratie, il y a des raisons de croire que la confiance est totalement rompue entre les deux camps.
C’est là que du haut de ses 80 ans révolus, le président Condé devrait avoir la sagesse de clarifier la situation par un renoncement public et sans aucune ambigüité, au troisième mandat dont on lui prête l’intention et qui pourrit l’atmosphère sociopolitique depuis plusieurs mois dans son pays. Mais le chef de l’État guinéen est-il capable d’un tel sursaut patriotique ?
Pour le moment, il n’en donne pas l’impression. Au contraire, tout, dans l’attitude du Professeur, tend à prouver qu’il faudra bien plus que des marches pour venir à bout de son obstination à vouloir se maintenir contre vents et marées à la tête de l’État guinéen.
C’est pourquoi, tout en maintenant la pression, l’opposition guinéenne doit savoir discipliner ses militants dans ce bras de fer avec le pouvoir, pour éviter de prêter le flanc à la répression qui apparaît comme l’arme fatale dont le régime Condé compte user pour venir à bout des manifestants. Elle doit aussi éviter de tomber dans le schéma togolais qui a vu le régime du président Faure Gnassingbé plier sous le poids des manifestations de l’opposition sans jamais rompre, pour revenir encore plus fort.
En tout état de cause, si l’opposition guinéenne peut se permettre de perdre la bataille des législatives dont le processus est déjà engagé, elle n’a pas le droit de perdre le combat contre la patrimonialisation du pouvoir qui semble tenter le locataire du palais Sékoutouréya. Il y va du triomphe de la démocratie dans ce pays.
Par Le Pays