Lamarana Petty Diallo en appelle à la bonne foi des autorités du 3e mandat plutôt qu’à leur couardise face à la situation dramatique dans laquelle se trouve le pays depuis les événements référendaire et législatif du 22 mars 2020.
Professeur de Lettres-Histoire Hors Classe en France, il invite tout un chacun à apporter sa contribution au retour de la Guinée sur l’arène internationale.
La Guinée, notre pays, est toujours à la croisée des chemins. Elle cherche encore la voie de sortie. Les dernières échéances électorales ne semblent pas avoir montré la meilleure.
Pourquoi pas maintenant ?
Il revient à chacun, à chaque citoyen, à chaque responsable, de quelque bord que ce soit, de s’interroger pour savoir ce qu’il y a de mieux pour que nous en sortions.
Chacun de nous devrait prendre conscience de sa part de responsabilité pour le devenir de la nation, de la patrie et de notre peuple tant sollicité et souvent éploré.
Les préoccupations du moment, au centre de toutes les interrogations, portent, à mon avis, sur trois sujets qui engagent toute la nation : comment faire pour libérer les détenus d’opinion ou politiques, peu importe l’appellation. La réinstauration du dialogue entre les différents acteurs politiques et la réinscription de notre pays dans le concert des nations. Pour être plus léger, j’ajouterai, comment circuler en cet hivernage qui s’annonce entre les différentes portions du territoire.
Des détenus d’opinion
Qui ignore qu’il s’agit-là d’un sujet sensible autour duquel certains cherchent à se façonner une carrière sur le dos des pauvres hôtes de la maison centrale de Coronthie et d’ailleurs. D’autres, en revanche, s’attèlent tant bien que mal, à trouver une solution médiane, consensuelle, définitive.
Autant la tâche est facile pour la première catégorie, autant elle est escarpée pour la deuxième car, les tenants de la voie de la médiation, du rapprochement des points de vue est désintéressée. Ce qui la rend d’autant plus compliquée du fait que, de part et d’autre de l’échiquier, il y en a qui cherchent à déculotter celui qui est en face.
L’absence d’interlocuteurs ne rend pas la chose des plus aisées. Pourtant, cela n’est pas impossible mais faudrait-il que des voix prennent la responsabilité de se faire entendre auprès du pouvoir et de l’opposition. Cependant, tous les acteurs réels ou potentiels semblent opter pour un mutisme retentissant. Pour cause ? A chacun de chercher la réponse.
Pour ma part, je souhaiterais que les voix les plus autorisées de part et d’autre resurgissent ; qu’elles appellent encore et encore plus, à la raison, au dialogue, à la détente, à la décrispation. Qu’elles fassent savoir que dans notre pays, il n’y a pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre.
Que nous ne saurions être qu’un, car les barrières du moment finiront par sauter au profit de la nation et du bien-être de notre peuple. Ceux qui attisent la division, exhibent l’épouvantail de toutes les peurs ne peuvent avoir raison du devenir de notre pays si la raison l’emportait sur le subjectivisme malsain de la minorité.
C’est donc le moment de dire qu’il ne serait pas trop tard si les autorités morales de notre pays : coordinations régionales, autorités religieuses, personnalités influentes ou personnes ressources se donnaient la main pour peser de tout leur poids sur les acteurs politiques.
Au sein des partis politiques du pouvoir ou de l’opposition, devraient également naître des initiatives individuelles, collectives, de la base au sommet, qui se donneraient pour mission de cultiver le dialogue inter ou infrastructurelles. Elles se mettraient alors au-dessus des conflits idéologiques ou politiques pour dire à qui de droit que la situation actuelle devrait être résolue car l’intérêt supérieur seul compte.
Qu’elle soit la démarche adoptée, toutes les voies sont les bienvenues pour favoriser la libération des détenus. La question de procès trouverait par la même occasion la solution la plus adéquate avec, en toile de fond cet adage : « La glaive qui permet d’arrêter peut ordonner de relâcher pour rééquilibrer la balance ».
Autant dire qu’il n’est point interdit de penser qu’en cas de détente, de décrispation, tous les espoirs sont permis. La nation en bénéficierait au-delà de tous les espoirs. Le pouvoir aussi. Pourquoi cela ne serait pas maintenant ?
De la réinstauration du dialogue politique
Sujet également délicat tant les positions sont tranchées. Ceux qui, comme moi oserait aborder le sujet, le font sans aucune étiquette politique. Tout simplement, parce que bien de nos compatriotes sont aptes à se limiter à la lecture au premier degré pour en tirer des conclusions qui, en faveur du pouvoir, qui en défaveur de l’opposition. Et inversement. Ma plume est cependant désintéressée et ne vise ni Paul ni Pierre encore moins Ramata ou Kouta.
Une nation dans laquelle le dialogue est mis de côté tend vers les conflits. Parfois, les plus exacerbés. Le dialogue est l’arme politique la plus redoutable car n’ose l’affronter que les vrais soldats. En termes de pouvoir, il s’agit des grands hommes politiques du moment. N’est-ce pas qu’Anouar El Sadate et Menahem Begin ont osé Camp David en septembre 1978 ? Mandela et Frederik de Klerk se sont donné la poignée de main alors que le premier avait toutes les raisons de refuser la main tendue. La promotion de la réconciliation tient des grands hommes et n’ont des egos surdimensionnés. Espérons que les nôtres soient de la première catégorie. Pour remplir la mission de la réconciliation, il faudrait que, de chaque part, les bonnes initiatives se lèvent, effacent les doutes, pansent les blessures et les déceptions. Une tâche humainement difficile mais politiquement nécessaire. Une action vitale pour le pays et essentielle pour le pouvoir et l’opposition.
La question est de savoir s’il y en a encore parmi nos compatriotes qui préfèrent relever les défis de la nation et non les défis personnels. Des personnes capables d’orienter leur force non plus à l’adversaire mais au profit de la nation afin que nous retrouvions notre place parmi les grandes nations. Si de telles personnes, personnalités, individualités sont encore parmi nous, pourquoi ne le feraient-elles pas maintenant ?
Notre place n’est pas à la marge des nations
Un pays divisé, un peuple qui s’installe dans la mésentente ne saurait bénéficier de la considération des autres États, peuples et nations. Le respect et la reconnaissance se cultivent de l’intérieur afin qu’elle s’acquiert de l’extérieur.
Faut-il le reconnaître, la situation de notre pays à l’internationale n’est pas des plus reluisantes par ces temps qui courent. Un tel état de fait n’arrange personne. Du moins à la longue. Pouvoir et opposition n’y ont rien à gagner. Certes, le premier en pâtit plus que l’autre. Néanmoins, au final, c’est la Guinée et les guinéens qui en souffriront.
Ce sujet, plus délicat que les précédents, mérite que chacun y mette du sien : le pouvoir plus que l’opposition. Cependant, la décrispation ne pouvant être à sens unique, trouver les voies et moyens de réinscrire notre pays dans le concert des nations, incombe à tous les acteurs.
Qui douterait que la libération, quelle que soit la forme (totale, conditionnelle), l’instauration du dialogue politique, non plus sous la loupe des précédents, mais dans un esprit de renouveau, sont des critères endogènes, internes pouvant conduire à la détente extérieure. Si tel était le cas, pourquoi ne pas le faire dès maintenant ?
La complexité de la situation politique de notre pays, la tradition de la crise, le manque de confiance endémique entre acteurs politiques auxquelles s’ajoute une infinité de maux : l’érudition des semi-alphabètes, l’imbécillité d’une certaine élite, les faillites des pouvoirs, l’obstination de certains acteurs politiques, la versatilité d’autres toujours à la recherche de postes et de pitance, l’égoïsme presque généralisé du guinéen qui n’est jamais aussi fort que lorsqu’il s’acharne sur son prochain sont autant de tares qui freinent notre avancée solidaire, politique et démocratique.
Notre pays a besoin de voix mieux inspirées, plus mesurées, plus tolérantes pour ressouder le tissu sociopolitique de notre pays. Cependant, aussi longtemps que les uns s’attèleront à abattre les autres, notre Guinée ne connaîtra ni paix sociale, ni avancée politique. Encore moins un régime démocratique. Aussi longtemps que les prisons seront remplies d’acteurs politiques, les bancs du dialogue désespérément vides, les langues des autorités morales murées dans le silence, la situation sociopolitique ira de crispation à tension. Au risque d’explosion.
Tant que ce sont les désespérés de la politique, les démissionnaires ou déflatés de leur partis d’origines, qui cherchent continuellement une nouvelle virginité, qui naviguent entre le pouvoir et les vrais opposants républicains, notre peuple continuera à avoir les deux pieds sur les deux quais d’un même fleuve.
Alors, nous serons plus près du naufrage que du largage des amarres pour une traversée faite d’union, de gaieté, d’unité dans un pays de démocratie et de paix. Pour que cela ne soit, que tout ce qui est nécessaire se fasse pour relever les trois défis évoqués. Et pourquoi pas maintenant ?
Par Lamarana-Petty Diallo
lamaranapetty@yahoo.fr