Par une lettre du 14 novembre 2019 au gouvernement guinéen, la directrice générale adjointe de Fortescue Metals Group, Julie Shuttlewroth, a pris acte de la décision de la commission d’évaluation des offres d’attribuer les blocs 1 & 2 de Simandou au consortium conduit par la Société Minière de Boké.
Pour cette praticienne du secteur minier d’Australie, de la Chine et de la Tanzanie depuis plus de 19 ans, « bien que nous soyons déçus de ce résultat, nous sommes reconnaissants d’avoir pu participer à cet appel d’offre et établir par la même occasion un lien privilégié et étroit avec la Guinée. Nous estimons que le processus d’appel d’offres est bien géré et nous sommes impatients d’en apprendre davantage à mesure que le processus avance. Fortescue continue d’espérer qu’il existe toujours un moyen significatif de contribuer au succès de la Guinée et de ses habitants ».
Après leur réunion du 23 août 2019, les membres de la commission d’évaluation des offres pour l’octroi de la concession des gisements de minerai de fer des blocs 1 & 2 de Simandou, s’étaient réunis le 4 octobre, pour l’ouverture des plis. Le premier constat des évaluateurs a été que toutes les sociétés qui avaient acheté des cahiers des charges n’avaient pas soumissionné. L’assemblée des évaluateurs avait dû mentionner que le retrait des cahiers de charges avait été opéré par trois sociétés : la Société Minière de Boké (SMB), Vale et Fortescue Metal Group (FMG), pour une période de préparation des offres de 45 jours. Et de s’accorder qu’à la date du 4 octobre, seules la SMB et la FMG avaient déposé leurs offres (composées globalement de 20 formulaires). Les évaluateurs avaient noté en outre que les offres de la SMB étaient arrivées à temps, contre 15 minutes de retard pour celles de FMG. Retard qui serait dû à de difficultés d’identification du lieu de dépôt officiel des offres.
Malgré ce constat, les deux offres avaient été déclarées recevables par la plénière de la commission d’évaluation. A cette date, des membres de cette commission avaient rapporté que les offres de la SMB semblaient être plus alléchantes, en ce sens qu’elles prenaient en compte la construction du chemin de fer Trans-guinéen et celle d’un port en eau profonde, à Forécariah, en vue de l’exportation du minerai de fer vers les marchés. Le tout dans un délai de cinq ans, à compter de la ratification des conventions (1ère phase).
Les 12 et 13 novembre, les candidats à l’appel d’offres avaient respectivement reçu leur lettre de notification. Et c’est la Société Minière de Boké qui a remporté la double évaluation faite séparément par la commission interministérielle d’évaluation et le cabinet E&Y (Ernst & Young). Selon une source interne à la commission, «Fortescue Metals Group n’a pas soumis d’offres sur les infrastructures» et s’est juste contentée de mentionner «qu’elle est prête à accompagner l’État guinéen dans la recherche des solutions infrastructurelles». Par contre «la Société Minière de Boké a identifié des acteurs et des fonds allant jusqu’à 50% des charges nécessaires pour la première phase».
Pour se protéger contre une éventuelle contestation, des membres de la commission disent avoir sollicité les services de E&Y pour une contre-évaluation portant sur les deux offres en examen. «Après notre évaluation et classement, la commission a demandé à ce que E&Y évalue de manière indépendante. Les deux résultats se sont situés dans les mêmes ordres de grandeur. C’est ainsi que nous avons notifié aux concurrents le résultat final».
Sur certains paramètres des offres soumises, «les deux concurrents ont proposé un ticket d’entrée d’environ 100 millions USD avec modalités de paiement presque identiques ». Les évaluateurs n’auraient pas examiné cette facette de la concurrence. Selon toujours un évaluateur, le consortium conduit par la Société Minière de Boké a proposé sur les points n°2 et n°4, un processus axé sur «la construction de la mine, d’un chemin de fer Trans-guinéen de 679 km et d’un port en eaux profondes d’une capacité totale de 80 millions de tonnes par an à Matakong sur les côtes guinéennes et d’une aciérie ».
La prévision en investissements cumulés soumise par la SMB avoisine les 14 milliards USD pour les deux phases du projet Simandou, blocs 1 et 2 (formulaire n°4, 6, 7 etc). Contrairement à la SMB, les offres de Fortescue Metals Group proposeraient (formulaire n°7) qu’« outre le financement des études de faisabilité qu’elle évalue à près de 200 millions USD pour lesquelles FMG s’engage sur fonds propres de respecter un ratio de dettes/fonds propres de 70/30 pour un investissement total d’environ 4 milliards USD. En dehors du financement des études de faisabilité, tout autre financement du projet est soumis à la direction des investissements qui ne sera prise qu’au bout d’un délai de 34 mois, à compter de la date d’entrée en vigueur».
Le grand écart entre les deux soumissions se justifierait surtout par l’absence de proposition concrète relative au développement des infrastructures et des installations portuaires pour l’évacuation du minerai des blocs 1 & 2 de Simandou par Fortescue Metals Group alors que SMB aurait proposé la construction d’un chemin de fer d’une longueur de 679 km reliant la mine à un port en eaux profondes d’une capacité finale de 80 millions de tonnes par an situé dans la localité frontalière de Matakong sur les îles Kabak, près de la Sierra Leone.
L’autre élément déterminant dans la préférence des évaluateurs pour l’offre de SMB semble avoir été «la disponibilité et l’engagement à commencer dès que possible les études de faisabilité et le développement de la mine et des infrastructures à travers l’engagement d’importants fonds propres disponibles alors que FMG privilégie la levée des capitaux sur les marchés internationaux comme source principale de financement de ses activités ».
Pourtant, Fortescue Metals Group semblait avoir été favorite dans ce processus d’appel d’offres. La candidate à la reprise des blocs 1 & 2 de Simandou avait dépêché le 22 août 2019, une équipe sur le site des blocs en jeu. Après plusieurs reports, pour cause de mauvaises conditions météorologiques, la délégation de Fortescue avait finalement foulé le sol de la sous-préfecture de Damaro, dans la préfecture de Kérouané, ce 22 août. Damaro, où elle avait été accueillie par les autorités préfectorales et du ministère des mines avec lesquelles elle s’était entretenue.
La mission de Fortescue avait visité la cartothèque des échantillons des blocs 1 et 2 de Simandou, en vue d’identifier le contenu des caisses à travers des numéros de certaines sections spécifiques de forages sur les blocs 1 et 2, réalisés par la société VBG, filiale conjointe de BSGR et Vale.
Après cette étape de terrain, la mission s’était rendue dans le village de Damaro pour une visite de courtoisie aux sages et aux autorités locales. Où M. Patrick Highsmith de la société Fortescue avait remercié les sages du village, avant de présenter les valeurs et les nombreuses expériences de Fortescue, ainsi que de leur engagement sans faille dans la promotion et le développement du contenu local.
Prenant la parole à cette occasion, le directeur préfectoral des mines et carrières de Kérouané, Nouman Kanté, avait au nom de la délégation du ministère des mines, remercié la notabilité du village pour la mobilisation et l’accueil chaleureux. M. Kanté avait enfin rappelé l’objectif de la mission de Fortescue qui était la visite technique sur les blocs 1 et 2, précisant que la société est soumissionnaire à l’appel d’offres sur les blocs 1 et 2 de Simandou. C’était apparemment une visite de terrain…miné.
Conakry, le 20 novembre 2019
Akoumba Diallo
akoumba2000@yahoo.fr
Journaliste
Analyste au cabinet Mineral Merit SARL
Ancien membre de l’ITIE-Guinée