L’Arabie saoudite a mis à mort mardi 37 de ses citoyens condamnés pour « terrorisme », une rare exécution de masse dans le royaume survenue trois ans après celle de dizaines de personnes qui avait précipité la rupture des relations avec l’Iran.
Les exécutions de mardi ont eu lieu dans six régions: la capitale Ryad, les villes saintes de La Mecque et de Médine, la région sunnite d’Al-Qassim (centre), celle de Assir (sud) et celle de la Province orientale où se concentre la minorité chiite, selon le ministère de l’Intérieur.
Amnesty International a dénoncé ces exécutions et indiqué, dans un communiqué, que la majorité des suppliciés étaient des chiites.
« L’exécution massive d’aujourd’hui est une démonstration effrayante du mépris cruel des autorités saoudiennes pour la vie humaine », a déclaré, dans le communiqué, Lynn Maalouf, directrice de recherche sur le Moyen-Orient.
« C’est aussi une autre indication de la façon dont la peine de mort est utilisée comme un outil politique pour écraser la dissidence au sein de la minorité chiite du pays », a-t-elle ajouté.
– « Sédition confessionnelle » –
Selon elle, 11 des personnes exécutées ont été reconnues coupables d’espionnage au profit de l’Iran et au moins 14 autres ont été condamnées pour des violences liées à leur participation à des manifestations dans la Province orientale entre 2011 et 2012.
Une autre a été arrêtée à l’âge de 16 alors qu’elle était mineure.
Ces exécutions portent à plus de 100 le nombre de personnes mises à mort en Arabie saoudite depuis le début de l’année, selon un décompte établi à partir de communiqués officiels.
Selon Amnesty International, le royaume, qui suit une version rigoriste de l’islam, figure dans le peloton de tête des pays qui appliquent la peine de mort dans le monde.
Dans son rapport mondial sur la peine de mort pour l’année 2018, l’organisation indique que derrière la Chine (qui ne publie pas de statistiques), les pays ayant eu le plus massivement recours aux exécutions sont l’Iran (253), l’Arabie saoudite (149), le Vietnam (85) et l’Irak (52).
Les 37 personnes exécutées mardi ont été reconnues coupables d’ »avoir adopté la pensée terroriste extrémiste » et d’ »avoir formé des cellules terroristes », a affirmé le ministère de l’Intérieur dans un communiqué publié par l’agence officielle SPA.
Certaines ont été accusées de « sédition confessionnelle », un terme généralement utilisé pour les militants chiites.
Les exécutions ont généralement lieu par décapitation en Arabie saoudite. Le ministère de l’Intérieur a précisé que l’un des suppliciés de mardi avait ensuite été crucifié, un traitement réservé aux auteurs de crimes particulièrement graves.
L’Arabie saoudite ne cesse de répéter être en guerre contre « toutes les formes de terrorisme ». Après les vagues d’attentat du début des années 2000, le pays a réussi à contenir la menace des groupes jihadistes, sans les éradiquer totalement.
Dimanche, quatre Saoudiens sont morts en tentant d’attaquer au nord de Ryad un quartier général des forces de sécurité, dans un attentat revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Les autorités ont annoncé l’arrestation le lendemain de 13 personnes suspectées d’ »actes terroristes » sans préciser si elles étaient liées ou non à l’attentat de dimanche.
La précédente exécution de masse en Arabie saoudite remonte à janvier 2016 quand 47 personnes, également condamnées pour « terrorisme », dont le chef religieux chiite Nimr Baqer al-Nimr, avaient été mises à mort le même jour.
– Rupture avec l’Iran –
La Province orientale est le théâtre de troubles récurrents depuis 2011. Elle a aussi été le berceau de Nimr Baqer al-Nimr, virulent critique du régime saoudien et figure du mouvement de contestation.
La communauté chiite représente, selon des estimations, entre 10 et 15% des 32 millions de Saoudiens, mais le pouvoir, dirigé par une dynastie sunnite, n’a publié aucune statistique officielle.
L’exécution de Nimr Baqer al-Nimr avait entraîné des manifestations en Iran pendant lesquelles des représentations diplomatiques saoudiennes avaient été attaquées.
En réaction, Ryad avait rompu en janvier 2016 ses relations diplomatiques avec Téhéran qu’elle accuse régulièrement de « déstabiliser » le Golfe et de s’ingérer dans les affaires intérieures des pays de la région.
Ryad donne pour exemple de ces ingérences le soutien apporté par Téhéran aux rebelles chiites Houthis qui ont pris le contrôle de la capitale yéménite Sanaa et d’autres régions à partir de 2014.
L’Arabie saoudite a formé une coalition militaire qui intervient depuis mars 2015 dans ce pays pour empêcher les Houthis de prendre le contrôle total de ce pays situé à sa frontière sud.
AFP